R.A.P.-Échos 8

R.A.P.-Échos n°8

OCTOBRE 1994


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Dans ce numéro :
Boîtes aux lettres : ça gronde... ça bouge...
Un facteur exemplaire
Nouvel administrateur de R.A.P., je me présente, parDidier Sangalli
Hurlements
"La Petite Revue de l'Indiscipline"

Boîtes aux lettres : ça gronde... ça bouge...


Rappel
 Personne - quasiment - n'aime recevoir de la publicité dans sa boîte aux lettres. Même les amoureux fervents d'autres formes de publicité qui trouveraient déprimants une télévision, une radio, un journal, un vêtement ou une rue exempts de tout message commercial, même ceux-là, quand leur boîte aux lettres déborde d'inepties publicitaires, boudent, grognent, contiennent mal leur colère.
Les nouvelles qui suivent devraient donc réjouir presque tout le monde. Sont présentées dans l'ordre chronologique les interventions récentes de trois acteurs sur cette question : le milieu associatif, le parlement, le gouvernement.

Chronologie

- Fin 1993 - début 1994 : la FRAPNA (Fédération Rhône-Alpes de Protection de la Nature) demande aux parlementaires de légiférer contre la publicité dans les boîtes aux lettres.
- Début janvier 1994 : R.A.P. lance un appel auprès de ses adhérents ("Gardez vos prospectus") en vue d'une manifestation contre la publicité dans les boîtes aux lettres.
- 10 janvier : M. Dominique Bussereau, député (U.D.F.) de Charente-Maritime, attire l'attention du ministre de l'Industrie, des Postes et Télécommunications et du Commerce extérieur (M. Gérard Longuet) "sur les documents publicitaires distribués en grand nombre dans les boîtes aux lettres, parfois par la Poste elle-même. La progression abusive de cette forme de publicité non domiciliée, ni personnalisée, ni timbrée est parfois perçue comme une atteinte à la liberté d'autrui. Cette forme de publicité ne faisant l'objet d'aucune réglementation, il lui demande s'il ne serait pas souhaitable d'envisager des mesures afin de limiter certains abus" (question n° 10004, Journal Officiel).
- 28 avril : M. Jean Besson, sénateur (P.S.) de la Drôme, pose une question dans le même sens au ministre de l'Environnement (M. Michel Barnier)*.
- 2 mai : réponse de M. Longuet (ministre) à M. Bussereau (député) : "Sur le marché de la publicité non adressée, la Poste n'est qu'un opérateur parmi d'autres, et ne détient que 25% de part de marché. (...) Les Français dans leur majorité apprécient l'ensemble des actions publicitaires menées à leur égard : plus de 56% des foyers trouvent la publicité écrite utile pour s'informer et prendre des contacts. Par ailleurs, pour le commerce de proximité, la publicité à découvert constitue un moyen efficace et économique pour se développer et se faire connaître. (...) Par ailleurs, le ciblage de clientèle au travers des bases de données de Médiapost contribue à limiter l'encombrement des boîtes aux lettres des particuliers" (extraits, Journal Officiel).
- 18 mai : M. Michel Hannoun, député (R.P.R.) de l'Isère, dépose la proposition de loi suivante pour "protéger les particuliers contre les distributions de prospectus et documents ou publications gratuites non adressées" :
Article premier : "Toute personne a le droit d'obtenir que ne soient pas déposés, à son domicile ou dans les dépendances de celui-ci, des prospectus ou publications gratuites qui ne lui sont pas personnellement adressés."
Art. 2 : "Un décret en Conseil d'Etat fixe les conditions dans lesquelles doit être manifestée la volonté de ne pas recevoir les publications visées à l'article premier de la présente loi."
Art. 3 : "Toute infraction aux dispositions de la présente loi sera sanctionnée par une peine contraventionnelle définie par un décret pris dans un délai de six mois à compter du jour de promulgation de la présente loi."
Cette proposition sera cosignée par les 54 députés suivants :
Bernard ACCOYER (Haute-Savoie), René ANDRE (Manche), André ANGOT (Finistère), Henri-Jean ARNAUD (Ardèche), J.P. ASPHE(Eure), Jean AUCLAIR (Creuse), Martine AURILLAC (Paris), Didier BEGUIN (Nièvre),André BERTHOL (Moselle), Marie-Thérèse BOISSEAU (Ille et Vilaine), Alphonse BOURGASSER (Moselle), Loïc BOUVARD (Morbihan),Antoine CARRE (Loiret), Jean-Paul CHARIE (Loiret), Jean CHARROPPIN (Jura),Jean-François CHOSSY (Loire), François CORNUT-GENTILLE (Haute-Marne), Alain COUSIN (Manche), Jacques CYPRES (Loire), Pierre DELMAR (Alpes de Haute Provence), Jean-Jacques DELVAUX (Pas de Calais), Jacques FERON (Paris), Gaston FRANCO (Alpes Maritimes), Claude GATIGNOL (Manche), Michel GHYSEL (Nord), Christian GOURMELEM (Val d'Oise), Michel HABIG (Haut-Rhin), Pierre-Rémy HOUSSIN (Charente), Didier JULIA (Seine et Marne), Joseph KLIPA (Haut-Rhin),Jean-Claude LAMANT (Aisne), Philippe LANGENIEUX-VILLARD (Isère),Bernard LECCIA (Bouches du Rhône), Pierre LELLOUCHE (Val d'Oise), Jacques LIMOUZY (Tarn), Christian MARTIN (Maine et Loire), Pierre MERLI(Alpes Maritimes), Denis MERVILLE (Seine Maritime), Alain MOYNE-BRESSAND (Isère), Pierre PASCALLON (Puy de Dôme), Jacques PELISSARD(Jura), Pierre PETIT (Martinique), François ROCHEBLOINE (Loire), Marie-José ROIG (Vaucluse), Jean-Marie ROUX (Ardèche), Rudy SALLES (Alpes Maritimes), Bernard SCHREINER (Bas-Rhin), Jean SEITLINGEER (Moselle), Daniel SOULAGE (Lot et Garonne), Alain SUGUENOT (Côte d'Or), Yves VERWAERDE (Paris), Michel VUIBERT (Ardennes), Jean-Jacques WEBER (Haut-Rhin),Adrien ZELLER (Bas-Rhin).
- 9 juin : réponse de M. Barnier (ministre) à M. Besson (sénateur) :"Il ne paraît pas envisageable de restreindre autoritairement ce flux de déchets" (extrait). *
- 15 juin : entrevue entre M. Besson (sénateur) et le bureau de R.A.P., qui l'informe de la proposition de loi de M. Hannoun (député).M. Besson apporte son soutien à la manifestation prévue.*
- 25 juin : "Révolte des boîtes aux lettres" (R.A.P. déverse sur la voie publique 200 kg de prospectus - puis les ramasse).La presse s'en fera l'écho les jours suivants.*
- 29 juin : dépôt, au ministère de l'Environnement, de 20 kg de prospectus et d'une lettre de M. Yvan Gradis (président de R.A.P.) à M. Barnier (ministre).*
- Juillet : entrevue entre MM. Besson (sénateur) et Hannoun (député).Le premier obtient l'accord du second pour déposer sa proposition de loi au Sénat.
- 15 septembre : réponse de M. Barnier (ministre) à M. Gradis(R.A.P.). Voir encadré :
- 30 septembre : R.A.P. lance officiellement un projet de pétition contre la publicité dans les boîtes aux lettres.
- Fin septembre - début octobre : soutien de différentes organisations au projet de pétition de R.A.P. : Familles de France, FEDEN-CombatNature, FRAPNA (Fédération Rhône-Alpes de Protection de la Nature), UFC (Union Fédérale des Consommateurs) d'Alès, Poitiers, Quimper, Rennes, St-Brieuc, et très probablement France Nature Environnement.
- 4ème trimestre : dépôt (prévu) au Sénat de la proposition de loi de M. Hannoun (député) par M. Besson(sénateur) et M. Bernard Hugo (sénateur R.P.R. de l'Ardèche),proposition accompagnée (sous réserve) de l'exposé des motifs suivant :
"Mesdames, Messieurs, Les élus sont régulièrement interpellés depuis plusieurs années par des particuliers, associations de protection de l'environnement ou de résistance à l'agression publicitaire, sur la distribution abusive de prospectus publicitaires ou publications gratuites non adressées qui envahissent de plus en plus les boîtes aux lettres (...)
A l'heure actuelle, chaque foyer français reçoit environ 30kilos par an de prospectus publicitaires ou publications gratuites, qui viennent encombrer les boîtes aux lettres. Même si les sanctions sont difficiles à mettre en œuvre, chaque citoyen doit pouvoir, pour des raisons qui lui sont propres, exprimer et faire respecter sa volonté de ne pas voir sa boîte aux lettres envahie de façon inopportune par des prospectus qui ne lui sont pas personnellement destinés"(extraits).

- Fin 1994 ou début 1995 : lancement de la pétition projetée par R.A.P.

* Voir R.A.P.-Échos n° 7

Commentaire de la lettre du ministre de l'Environnement

Le ministre mentionne le refus de "certains citoyens" de recevoir des "informations". Etrange marginalisation de ces probables millions, voire dizaines de millions de personnes qui refusent de recevoir quotidiennement sornettes et boniments, quand il ne s'agit pas de purs mensonges !
Le ministre réduit la motivation de ces réfractaires au refus du "gaspillage de papier". En retenant ce seul grief, il passe sous silence, entre autres, le harcèlement par la bêtise et l'hypocrisie. à problème simple, solution facile (voir plus loin) !
Le ministre "craint que l'initiative du député ne puisse être réalisable sous la forme législative, car elle s'oppose aux principes constitutionnels de la liberté d'expression et de la liberté du commerce et de l'industrie." Pourquoi se contente-t-il de le "craindre" au lieu d'en avoir la ferme conviction étayée par des preuves ? Sans doute parce qu'il sent bien que le flot de déchets luxueux inondant les boîtes aux lettre sa peu à voir avec la liberté d'expression, et que la liberté du commerce et de l'industrie s'arrête là où commence celle du citoyen. Il appartient donc aux spécialistes du droit et de la constitution de l'éclairer sur la fragilité de son argument, et aux associations de faire valoir à ses yeux l'intérêt général, qui prime celui des annonceurs.
Le ministre préfère une "charte" à une loi, selon lui difficilement applicable. S'il est vrai qu'un effort d'imagination serait nécessaire pour définir les vraies conditions d'application d'une loi, en quoi une charte serait-elle plus respectée ? Quel recours aura le citoyen dont la boîte sera malgré tout envahie ?
Le ministre suggère enfin, non sans humour, que les prospectus aillent s'entasser dans les collecteurs de vieux papiers. Dans ce cas, pourquoi les producteurs de déchets publicitaires ne les y porteraient-ils pas directement sans passer par la poubelle du citoyen déjà si encombrée ?
Une telle vacillation fait de la réponse du ministre un brûlot providentiel : un pareil défi ne se refuse pas ! Le moment est bienvenu pour le milieu associatif de s'exprimer au nom des quelques millions de réfractaires.

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Un facteur exemplaire

Dans son édition du 9 juillet 1994, Ouest-France (Caen) relate l'histoire d'un facteur du Calvados, surpris, le 16 juin 1993, en train de jeter dans l'herbe cinq cents prospectus publicitaires dont la distribution "l'ennuyait et alourdissait sa sacoche". Après avoir sanctionné l'intéressé d'une mise à pied de six mois, la Poste avait porté l'affaire en justice, réclamant 8000 F de dommages et intérêts au motif que ce délit portait atteinte à l'image de l'entreprise. Le tribunal, considérant que les prospectus ne sont pas une correspondance adressée à un tiers, a jugé l'infraction non constituée et relaxé le préposé. Une quinzaine d'affaires similaires étaient, à la date de l'article, en suspens en Basse-Normandie(pour les détails, appeler le journaliste, Jean-Pierre Beuve, au31 38 32 32).

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Nouvel administrateur de R.A.P., je me présente, par Didier Sangalli


Personnalité
· Activiste.
Je n'attends pas d'être 50 pour peindre le lion d'une place publique après une manifestation, ou pour écrire quelque joyeux commentaire sous la trombine affligeante d'un mannequin vantant des frusques d'un prix abusif.
· Ce que je cherche dans une association :
- des relations, des interactions, qui font un tout supérieur à la somme de ses parties ;
- donc, avant tout, des personnes conscientes, ayant envie d'agir pour leurs idées, leur idéal.
· Réfractaire à l'ordre, à la soumission, au conformisme.
- Je ne m'arrête pas au fait que "les dieux eux-mêmes, contre la stupidité, luttent en vain."
· Anti-matérialiste.
- J'ai choisi comme moyen, entre autres, la lutte contre la (société de) consommation.

Trésorier,
voici mes objectifs
- améliorer les finances de l'association (le solde pour 1993, publié dans le dernier numéro, ne tenait pas compte des dettes) ;
- ramener le prix de l'abonnement au niveau de son prix de revient ;
- réduire les frais d'envoi en essayant d'obtenir un tarif routage.

Autres objectifs
- faire connaître l'association et le journal dans des lieux associatifs, militants, ou tout simplement sympathiques tels que bars, restos, cinés, salles de spectacle ;
- élargir le comité de rédaction du journal et augmenter sa fréquence de parution.

Sur le devenir de R.A.P.,
voici ma position
Au nom de dieux, les plus stupides luttent, ne voulant rien d'autre que: obliger, censurer, conditionner, interdire, réglementer, embrigader.
Ceci n'est pas dans l'optique de R.A.P. ; sachons éviter que cela ne le devienne puisque, je le rappelle, un des buts de l'association est de "protéger des libertés" (voir statuts p.4).

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Hurlements

23 juillet, 24 août et 14 septembre 1994 : septième, huitième et neuvième actions-cinéma de R.A.P. à Paris.
Le 23 juillet, à 17h40, cinq militants entrent dans l'UGC-Normandie avec les spectateurs. La publicité commence à 17h55. Deux militants se lèvent et restent muets face au public, arborant chacun un écriteau expliquant son geste. Les trois autres sont pris d'une crise de hurlements : non pas des mots, mais d'horribles cris sauvages et inarticulés. Les employés arrivent. L'un d'eux s'approche pour lire un écriteau. La police est appelée. Quant aux spectateurs, une trentaine restent silencieux, une dizaine s'étonnent ("ils sont malades !"), une autre dizaine montrent de l'agressivité("allez-vous en ! Fichez-les dehors !").
Les hurlements cessent à 18h05 avec la publicité. Un dialogue s'instaure entre les spectateurs et les employés. "Nous ne voulons pas regarder le film avec ces malades !... Il ne fallait pas les laisse rentrer ! - Comment voulez-vous qu'on les reconnaisse ? Ce n'est pas marqué sur leur figure !" Un spectateur défend les militants :" reprenez la projection ! Ils sont seulement contre la publicité, il n'y a rien à craindre. Et vous nous dérangez plus qu'eux en ne passant pas le film !" Un employé : "nous ne pouvons pas commencer la projection tant que ces gens sont dans la salle. "Le projectionniste sort de sa cabine en souriant. A 18h20, le président de R.A.P. se lève : "nous sommes venus perturber la publicité, pas le film qui, lui, est de la culture. Si la projection est retardée, nous n'y sommes pour rien." Une spectatrice : "vous travaillez dans quoi ? - Dans la conscience ! Nous sommes là pour rendre les gens conscients et faire que bientôt les gens se lèvent en masse."
A 18h30, six policiers arrivent et tentent, avec difficulté, de mettre la main sur les militants. A 18h40, un militant se lève et se laisse emmener. Alors, les autres le suivent. A la sortie, la police se fait remettre un tract. Les militants, une fois libres, font le point. Les avis sont partagés, ou plutôt mélangés : l'insolite et le défoulement ont été atteints, mais l'effet de violence a pu choquer certains spectateurs. Cela est-il conforme à l'état d'esprit de l'association?
Le 24 août et le 14 septembre, 6 et 8 militants se lèvent respectivement face à 200 et 100 spectateurs, renouant avec le scénario totalement muet des fois précédentes.

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"La Petite Revue de l'Indiscipline"


Cette revue semble un foyer intellectuellement actif d'initiatives antipublicitaires. Le n°7 bis (sept. 1994) expose un projet de "Mondial de l'Antipublicité" dont le but serait de récompenser la meilleure action antipublicitaire de l'année. Le n° 8-9 (fin sept. 1994) annonce le lancement, d'une part d'un concours permanent de slogans, bombages, graffitis, publicités détournées, etc., d'autre part d'une nouvelle revue intitulée l'Antipublicitaire.
Contact : Christian Moncel, BP 1066, F-69202 Lyon cédex 01.

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