R.A.P.-Échos 9

R.A.P.-Échos n°9

JANVIER 1995


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Dans ce numéro :
Boîtes aux lettres : La pétition !
Évasion du Père Noël
Boîtes aux lettres et publicité : une solution
Affichage
10ème action-cinéma
Cobayes et boycotteurs

Boîtes aux lettres : La pétition !   ici

À partir de ce mois de janvier 1995, interdiction de pleurnicher contre l'envahissement de sa boîte aux lettres par la publicité: désormais, on peut signer et faire signer la pétition de R.A.P.

En ce qui concerne la genèse de cette pétition, se reporter au hors-série "spécial boîtes aux lettres"(voir "Pour en savoir plus"). Rédigée collectivement, elle a été conçue pour pouvoir soutenir tout effort en ce domaine, qu'il vienne du parlement, du gouvernement ou du milieu associatif. Les centaines de milliers de signatures qui vont être recueillies ces prochains mois (à nous de jouer !) seront donc à la disposition de qui voudra bien faire avancer le dossier.

Une boîte aux lettres libérée... Et d'une !
Christian Collas, président de Boomerang (association pour le recyclage des déchets) vient d'obtenir du ministère des Postes (fin décembre 1994) que sa boîte aux lettres soit épargnée par la distribution de toute publicité. Le ministère, excédé de recevoir les paquets de prospectus renvoyés par C. Collas, a fini par donner des instructions au receveur de sa commune (Campbon, 44). Cette victoire a été largement relayée par la presse écrite(notamment Ouest-France du 28/12/94), la radio et la télévision.

Proposition de loi au Sénat
La proposition de loi contre la publicité dans les boîtes aux lettres (voir R.A.P.-Échos n°8) a été déposée par les sénateurs Jean Besson et Bernard Hugo le 10 décembre1994. En voici l'Article 1er : "Toute personne a le droit d'obtenir que ne soient pas déposés, à son domicile ou dans les dépendances de celui-ci, des prospectus ou publications gratuites qui ne lui sont pas personnellement adressés."

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Évasion du Père Noël

À la demande d'un adhérent, il avait été décidé de mettre en scène l'évasion symbolique du Père Noël hors de sa condition d'appât commercial. Le numéro devait avoir lieu à Paris le 21 décembre 1994, à 18h.
Le jour dit, vers 13h, le président et le secrétaire général de l'association se retrouvent boulevard Haussmann pour un repérage des lieux. Le premier, en Père Noël homme-sandwich : "ÉVADÉ! Je me suis échappé d'une affiche. J'ai les publicitaires aux trousses. Aidez-moi !". Le second, muni d'un écriteau :"Noël : fête religieuse ? fête commerciale ?".
À peine se sont-ils mis en marche qu'ils sont interpellés par deux policiers en civil. D'une part ce Père Noël est en infraction avec la loi qui interdit de se déguiser sur la voie publique en dehors des périodes de carnaval. D'autre part, le Père Noël n'a pas à faire l'homme-sandwich !
S'étant vu notifier un procès-verbal de 1500 F, le président de R.A.P. objecte que des Père Noël sont embauchés parles grands magasins, à quelque 500 mètres de là, dans un but commercial. Les policiers rétorquent qu'au contraire ces Père Noël-là sont tous en infraction et condamnés chaque jour. Quant à la non-conformité de son accoutrement avec l'esprit de Noël, le président demande aux policiers : "N'est-il pas plus grave que le Père Noël soit sur tous les panneaux (publicitaires)qu'un seul panneau soit sur le Père Noël ?"
Enfin, constatant qu'ils ont à faire, non à des "voyous" ni à des "extrémistes", mais à deux représentants associatifs n'ayant, pour l'heure, rien à vendre ni à distribuer, et ayant pris les coordonnées de R.A.P., les deux policiers renoncent au procès-verbal et les laissent libres de faire leur œuvre de sensibilisation du public. Une seule condition : ne pas s'approcher des grands magasins...Une fois trouvé le lieu pour l'action du soir, les deux militants se séparent.
À 18h, neuf manifestants se retrouvent Place de l'Opéra. Le Père Noël est incarné par l'adhérent-instigateur. Les autres arborent un petit écriteau, soit celui décrit plus haut, soit : "Comité de soutien au Père-Noël". La petite troupe se rend devant l'entrée d'un grand magasin du boulevard Haussmann.
C'est l'effervescence des courses de Noël. Quelques passants prennent quand même le temps de s'étonner, de sourire parfois, de ce dérisoire contre-spectacle. Une dame, puis un enfant, veulent donner de l'argent au Père Noël, qui le refuse évidemment. Quelques échanges, sereins ou virulents, ont lieu entre les passants et les manifestants. Un vigile du magasin, d'une rare finesse, s'exclame à l'intention de ses collègues : "N'importe quoi ! Non seulement ils ont une case vide, mais ils sont cons !" L'action prend fin à19h30, avec la fermeture du magasin.
Elle sera répétée le 24 décembre (après avoir été annoncée dans le journal Libération du jour) par quinze personnes cette fois, dans les mêmes conditions et sur les mêmes lieux.

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Boîtes aux lettres et publicité : une solution


Laurent Leguyader, adhérent de R.A.P. (et militant du Jour de la Terre), a élaboré une solution au problème de l'invasion des boîtes aux lettres par la publicité. Le conseil d'administration de R.A.P., devant le caractère rigoureux, constructif et conciliant de cette proposition, a décidé de la rendre publique pour alimenter la réflexion commune.

Lassé de jeter chaque semaine les quatre ou cinq journaux "gratuits" plus le reste, j'ai d'abord essayé de montrer mon exaspération par le collage d'une étiquette indiquant : "Pas de publicité dans ma boîte aux lettres". Résultat : une légère baisse de la quantité de publicité... et plus aucune revue locale (émanant de la Mairie ou du Conseil Général).Une supposition : peu nombreux sont les distributeurs (facteurs ou colporteurs)qui prennent la peine de lire ce qui est écrit sur les boîtes aux lettres.
J'ai alors cherché une solution plus efficace.
1°) Elle devrait être acceptable - donc respectée - parles distributeurs.
2°) Elle devrait garantir à chaque foyer la possibilité d'accepter ou pas la publicité non adressée, voire celle de choisir entre les différentes catégories de supports publicitaires.
3°) La signalétique permettant d'afficher son refus devrait sauter aux yeux des distributeurs, même peu attentifs, et être très facilement disponible.

1°) Afin que les distributeurs respectent le refus de certains destinataires, il faut qu'ils aient l'aval de l'éditeur du prospectus. L'acceptation du signal de refus doit donc être d'abord le fait des éditeurs. En comprenant qu'un pourcentage non négligeable des catalogues et journaux "gratuits" vont directement de la boîte aux lettres au collecteur de vieux papiers (dans le meilleur des cas), ou qu'entre-temps ils servent juste à garnir le fond de la poubelle ou du bac à litière du chat, à récupérer les épluchures de légumes, ou à allumer le feu de la cheminée, les éditeurs devraient accepter de réduire leur tirage en conséquence. Le seul argument qui leur reste est qu'une diminution du tirage peut leur faire perdre des annonceurs, ce que l'on peut compenser en créant(avec l'accord de l'OJD, organisme de contrôle de la diffusion) une nouvelle dénomination comme : Tirage avec distribution "sélective" ou "utile" (au choix). À partir du moment où la distribution ne se fait plus contre le gré des non-lecteurs, la chute du tirage peut se faire sans la perte d'un seul lecteur (on peut prévoir un excédent non distribué, à laisser dans les commerces à la disposition des lecteurs occasionnels).

2°) En analysant la masse des différentes formes de publicités non adressées, on arrive à cinq catégories rencontrées couramment :
- périodiques "gratuits" d'annonces, souvent hebdomadaires, contenant au moins une page, par canton, d'informations sur la vie locale, sans publicité (rares) ;
- autres périodiques "gratuits" d'annonces ;
- catalogues de promotion, soldes, déstockage ;
- catalogues de prix d'appel ;
- simples feuilles de publicité, tracts, cartes de visite.
Les personnes voulant s'informer sur les activités culturelles ou sportives de leur commune doivent pouvoir le faire en recevant le périodique de leur choix sans avoir à subir tous les autres. La dernière catégorie de la liste concerne les prospectus. Ceux-ci représentent un volume unitaire et total très faible par rapport aux autres catégories. De plus, leur distribution est plus anarchique. Il semble donc qu'il ne soit pas utile de s'y attarder.

3°) En regroupant tous les catalogues en une seule catégorie, on arrive à quatre types de refus possibles, auxquels on peut associer une couleur différente :
- noir avec liseré blanc : refus de toute publicité non adressée;
- bleu : refus des catalogues ;
- jaune : refus des journaux "gratuits" d'annonces sans informations locales ;
- rouge : refus de tous les journaux "gratuits".
Chaque foyer pourrait alors faire le choix de ce qu'il désire recevoir et coller une ou deux "pastille(s)" de couleur sur sa boîte aux lettres pour indiquer au distributeur son (ou ses) refus. Les éditeurs, quant à eux, feraient figurer sur la première page de leurs documents une pastille de la couleur correspondante barrée par une croix afin d'informer le distributeur de ce qu'il ne doit pas mettre dans certaines boîtes aux lettres.
La place manque ici pour préciser tous les détails de la réflexion et de la mise en œuvre de ce procédé. Au préalable, une négociation doit avoir lieu avec les organismes ou sociétés de contrôle du tirage et de la diffusion, suivie d'une négociation avec les éditeurs ne faisant pas appel à un contrôleur de diffusion.
Une telle solution demandera aux entreprises des efforts et aux publicitaires de vaincre certaines de leurs réticences. Une pression populaire forte (éventuellement au moyen d'une pétition) ou, à défaut, une loi les y aidera.

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Affichage

R.A.P. continue de collaborer avec l'Association pour la réforme de l'affichage (BP 16, 93340 Le Raincy), Paysages de France (Chemin de la Combe, 38700 Le Sappey-en-Chartreuse) et l'Union Fédérale des Consommateurs d'Alès (7, rue Veigalier, 30100 Alès),dont certains représentants seront présents à la réunion du 19 janvier (voir "Agenda").
Paysages de France diffuse, depuis novembre, une pétition intitulée: "On nous vole nos paysages !" En voici le texte : " Le déferlement de panneaux publicitaires - légaux ou illégaux-, un peu partout en France, pollue très gravement l'environnement quotidien de millions de citoyens. Souvent la dégradation du cadre de vie a pris, de ce fait, une ampleur intolérable. Face à ce mépris des populations et du patrimoine commun, je demande aux pouvoirs publics :
1) de débarrasser nos paysages de tous les panneaux publicitaires illégaux, et
2) de réformer la loi de 1979 en vue d'une protection véritable de notre cadre de vie."

Cette même association, dans le dernier numéro de son journal (Action-Paysage n°3, novembre 1994), diffuse deux excellents outils de lutte individuelle contre l'affichage polluant : une fiche de relevé de panneau illégal et une fiche de relevé de "point noir", l'une et l'autre accompagnées d'un modèle de lettre au maire.
À noter aussi qu'un des panneaux illégaux dénoncés par R.A.P., l'été dernier, auprès de l'Association pour la réforme de l'affichage a été enlevé cet automne.
Enfin, un projet de manifestation symbolique est à l'étude. Cela se passera à Paris au début du printemps. Toutes les associations concernées sont invitées à y travailler.

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10ème action-cinéma

Les actions-cinéma de R.A.P. sont une espèce de défi rituel à la passivité du public.
Le 25 novembre 1994, vers 20h, douze membres ou sympathisants de R.A.P. se mêlent aux quelque 130 spectateurs du Gaumont-Parnasse (Paris).Sept sont déterminés, deux sont indécises, trois viennent en observateurs.
Quand la publicité commence, les sept premiers, éparpillés, se lèvent, tournent le dos à l'écran, et restent muets face au public. Les deux indécises, encouragées par la simplicité du geste, se lèvent à leur tour. À quelques spectateurs étonnés, les protestataires remettent - sans parler - un tract(voir R.A.P.-Échos n°6). On tend la main, on se déplace même pour obtenir les explications. Sur le mode de l'ironie, un spectateur acerbe lit, à la cantonade, le texte intégral du tract, jusque et y compris le numéro de téléphone (!). Après quelques minutes, trois inconnus (un couple et un homme isolé) se lèvent pour imiter les manifestants.
Réflexions entendues : "C'est inutile !... Avec tout ce qui se passe en ce moment !... C'est marrant... C'est une secte... Reposez-vous!... Quand on aime la publicité, est-ce qu'on a le droit de la regarder?... Ayez au moins le courage de l'ouvrir !... C'est courageux, mais ça ne sert à rien..." Un des trois observateurs restés assis entend l'ouvreuse exprimer sa satisfaction devant ce qu'elle croit être une première.
Après être restés debout et muets pendant quatorze minutes, les boycotteurs se rassoient quand prend fin la publicité. La salle applaudit assez chaleureusement.

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Cobayes et boycotteurs


Le 5 décembre 1994, au centre Chaillot Galliéra (Paris), avait lieu une "avant-première télévision" organisée par l'institut de sondage IPSOS. Il s'agissait de tester, sur quelques dizaines de cobayes d'un soir, l'impact de spots publicitaires glissés au milieu d'une fiction.
Quatre membres ou sympathisants de R.A.P. ont réussi à se faire inviter ou à se glisser comme observateurs : deux femmes dans une salle, deux hommes dans une autre. Un épisode d'une série américaine particulièrement délavée est diffusé par un téléviseur. Au moment de la coupure publicitaire, les deux femmes, assises au premier rang, se lèvent pour tourner le dos ostensiblement au petit écran. L'une dira à la sortie : "c'est jouissif !" Les deux hommes, quant à eux, au moment de ladite coupure, vont se mettre le dos contre le téléviseur, le cachant partiellement. Les organisateurs sont obligés d'interrompre le conditionnement en allumant la lumière : le charme est rompu ! Les deux militants, après une résistance mi-clownesque mi-non-violente, se font finalement expulser, non sans avoir pris le temps d'expliquer leur acte aux participants, tracts à l'appui. Une jeune "cobaye" leur dira à la sortie : "Grâce à vous, on s'est bien amusés !" Objectif atteint.

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