R.A.P.-Échos 2
R.A.P.-Échos n°2
AVRIL 1993
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Dans ce numéro :
Compte rendu de la réunion publique
Observer la publicité
Le service public n'appartient pas aux publicitaires ! Zappons
la pub
Compte rendu de la réunion publique
Le 30 janvier dernier, s'est tenue à Paris la première réunion publique de Résistance à l'Agression Publicitaire.
Trois objectifs étaient visés : d'une part rencontrer et conforter nos adhérents en reprécisant les différentes raisons qui nous dressent contre le système publicitaire, son agression permanente et sa philosophie pernicieuse ; d'autre part établir, clarifier et tester nos moyens d'action contre la publicité, dans un échange avec l'assemblée présente, de façon à faire ressortir des problèmes, des suggestions, des priorités -compte tenu des expériences, des compétences, des motivations de chacun ; enfin rendre publique notre existence, prendre date dans la vie médiatique et, par là, susciter un mouvement de ralliement, et d'espoir, notamment chez tous ceux qui se sentent humiliés et impuissants en face de l'impérialisme publicitaire.
Ces objectifs ont été diversement atteints. On peut dire que le premier l'a été le plus nettement, alors qu'il n'était pas le plus important à nos yeux. Le deuxième a tout juste donné lieu, entre autres, à l'évocation d'un réseau de boycottage commercial. Le dernier a été l'objet de notre plus vive déception, compte tenu du faible nombre de participants(une soixantaine, au lieu des 100 ou 200 espérés) et de journalistes(trois seulement, dont deux qui avaient suivi R.A.P. depuis sa gestation),alors qu'il s'agissait du but essentiel.
Sans doute le manque de clarification de ces trois objectifs, qu'il aurait mieux valu "sérier" au cours de la journée, est-il en partie responsable des insuffisances de cette réunion. Mais il ne faut pas oublier que, la presse (Charlie Hebdo, le Monde, Rouge, Témoignage Chrétien, Vert-Contact, etc.) ayant fait suffisamment d'information, nous ne pouvons rien au fait qu'un trop petit nombre de personnes soient venues - dont une grande partie avaient déjà participé à l'éclosion de R.A.P.
Cela dit, il ne faut pas juger la réunion seulement sur elle-même, mais sur tout ce qui l'a accompagnée - avant ou après. Notamment, le lendemain, aux journaux de 8h et de 10h, France Inter a diffusé une brève interview du président de R.A.P. effectuée par un reporteur de cette radio.
La réunion a confirmé l'existence d'un groupe cohérent. Elle restera comme un jalon dans l'existence de l'association. Un simple palier peut-être, mais c'est de palier en palier qu'un escalier s'élève...Et la prochaine réunion sera sans doute, elle aussi, un palier, mais quelques degrés plus haut. En attendant, quelques "rapistes" parisiens ont décidé de constituer un noyau et de se rencontrer plus souvent, au moins une fois par mois, afin d'entretenir la dynamique propice à l'action.
Observer la publicité
par Jean-Jacques Ledos*
Dans l'espace de notre environnement qu'elle envahit, par les messages qu'elle nous suggère avec insistance au profit d'un modèle économique, la publicité est un fait de société plutôt qu'une idéologie dont elle n'est que le vecteur. Il faut ne jamais perdre de vue que la publicité est admise par le plus grand nombre qu'elle s'emploie, avec succès, à séduire ; mais persuader les spectateurs naïfs qu'on les conditionne n'est pas une entreprise aisée. L'établissement et le maintien d'une société hiérarchisée par l'argent et soumise par le mirage d'une fausse "société idéale" constituent les valeurs idéologiques qui sous-tendent l'entreprise. On notera que ce sont celles du discours "libéral". Il s'agit donc moins de supprimer le droit au rêve que d'en démasquer l'illusion en éveillant le sens critique du spectateur que sa passivité condamne à l'asservissement. Mais, pas plus l'affirmation d'idées générales que la contestation sommaire d'un adversaire ne suffisent à élaborer une doctrine préalable à l'action. Constituer un argumentaire à partir des réflexions et des témoignages sur les objectifs, les stratégies et les effets de la publicité doit être l'un des soucis des adhérents de R.A.P.
La première démarche consiste à cerner l'objet à observer : la publicité. La sociologie des médias dispose d'un questionnement : "Qui dit quoi, avec quels moyens, à qui, avec quels effets ?" C'est le paradigme de Lasswell, du nom d'un sociologue "empiriste" américain. "Empiriste" parce que le secteur de recherches dont il dépendait à l'Université Columbia de New York se souciait moins d'élaborer une théorie que de répondre à la demande de description des "cibles" que formulent les diffuseurs, soumis à la pression des annonceurs publicitaires. Il n'est pas inutile de savoir que la sociologie des médias, généralement soumise, aux Etats-Unis, aux exigences des études de marché, a recruté ses premiers praticiens parmi les anciens spécialistes de l'action psychologique de l'armée américaine, au lendemain de la première guerre mondiale. C'était aussi l'époque des débuts de la radiodiffusion commerciale aux Etats-Unis.
Parée des prestiges de l'Université, cette sociologie se met au
service de l'idéologie libérale qui sous-tend l'économie
du Capital. Dès lors, le cynisme des marchands développe un professionnalisme
exigeant pour créer les habitudes de consommation propices à leurs
affaires. Dans le
n°1 de R.A.P.-Échos, François Brune a fort bien esquissé
les objectifs de cette stratégie et les moyens de s'y opposer1. On peut
ici parler d'idéologie parce qu'il s'agit d'un corps de doctrine (souvent
informulé, tant l'usage en a établi le consensus) appliqué
à rassembler une collectivité économique autour d'un modèle
de société. Economique, cette action n'échappe pas à
la politique quia besoin de prospérité, fût-elle inégalitairement
redistribuée, pour durer... provisoirement. C'est le cas, dans l'Histoire
récente, des pays qui ont pratiqué l'ultra libéralisme
recommandé par les élèves de l' "Ecole de Chicago". Les
"social-démocraties" elles-mêmes n'ont pas échappé
à cette soumission à la dure réalité internationale
des faits économiques, au risque accepté d'oublier les ambitions
sociales. Dans les deux cas, ce sont les conséquences de la loi du marché
qui engendrent les différences de potentiel explosives entre ceux qui
ont réussi - le petit nombre - et ceux - en nombre croissant - qui sont
exclus de la fête dont ils ne connaissent que l'image proposée
par la publicité.
Le besoin de consommer est ainsi entretenu dans des foyers dont le récepteur de télévision constitue souvent le seul luxe, celui d'une possible évasion. Le désir d'achat ne peut être satisfait qu'au prix d'un endettement soumis aux aléas des taux d'escompte et des politiques monétaristes. La concurrence encouragée entre les individus développe l'agressivité qui s'épanouit dans la violence. Autant de perversions "libérales" admises au nom d'un individualisme exacerbé qui a atomisé les solidarités pour le plus grand profit des décideurs, dans l'entreprise, dans les conseils d'administration et dans les conférences internationales où l'on se soucie davantage de partager les bénéfices de l'inégalité que de résoudre les problèmes géopolitiques. On ne s'étonne plus de la généralisation, aux heures de grande écoute de la télévision, de spectacles qui exaltent ces anti-valeurs. La publicité est le moteur malin de cette fuite en avant. Elle est présente pour offrir à un public crédule les produits vénéneux qu'un esprit critique anesthésié ne sait plus - ou ne peut plus, faute d'alternative- refuser.
Les organismes attaqués, lorsqu'ils ne sont pas irrémédiablement corrompus, sécrètent des anticorps. On trouve ainsi chez quelques universitaires ou publicitaires repentis américains une réponse aux questions soulevées ici. S'il est difficile de trouver les livres de Herbert I. Schiller ou Jerry Mander, on peut encore se procurer, en France, de Stuart Ewen : Consciences sous influence (Aubier, 1984), ouvrage précieux parce qu'il révèle certaines des stratégies "totalitaires" qui ont été ébauchées par certains publicitaires, aux Etats-Unis, au nom d'un libéralisme impitoyable.
On ne prétend pas définir en quelques lignes le champ de la réflexion à développer, qu'il s'agisse d'idéologie ou de modèle de société. Le militantisme, qui constitue la seule arme des contre-pouvoirs, ne peut compter que sur une vigilance et une coopération désintéressées. Le présent bulletin est offert comme un lieu de rencontre des réflexions. Le mélange des idées est une activité usuelle dans les agences publicitaires, et il n'est pas déshonorant d'emprunter des armes à l'adversaire pour mieux le combattre.
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* Historien de la radiotélévision.
1 : C'est un résumé en quelques mots de son Bonheur conforme(Gallimard, 1985).
Le service public n'appartient pas aux publicitaires !
Zappons la pub
sur France 2 et France 3 !
Les associations de consommateurs appellent les téléspectateurs à zapper les annonces publicitaires sur France 2 et France 3. Cette action accompagne une assignation en justice du Président Directeur Général de France Télévision : M. Hervé Bourges.
Un consommateur informé est un consommateur qui sait se défendre.
Le droit des consommateurs à l'information est un droit reconnu partout mais il dérange.
Il est aujourd'hui bafoué à France Télévision.
La loi oblige en effet les chaînes du service public à diffuser des émissions d'information des consommateurs à des heures de grande écoute favorable. Des conventions ont été signées en ce sens entre les différents partenaires.
En contrepartie, les citoyens paient une redevance aux chaînes publiques.
Brutalement à l'automne 1992, M. Hervé Bourges décidait que, seules, les publicités avaient droit à une grande écoute.
Reniant sa signature, violant la loi, méprisant ses partenaires, il supprimait, réduisait ou déplaçait les émissions consuméristes régionales sur la 3 et reléguait, à des heures de faible écoute, les émissions de l'INC (Institut National de la Consommation) sur la 2.
Le Secrétariat d'Etat à la Consommation est intervenu en vain et, jusqu'à ce jour, les multiples démarches des organisations de consommateurs n'ont pas été prises en compte.
Devant cette atteinte inacceptable au droit de tous les consommateurs d'être informés, des organisations de consommateurs ont décidé de saisir la justice.
Mais, puisque M. Bourges chasse nos émissions pour vendre le créneau aux publicitaires, les organisations de consommateurs lancent l'opération "zappons la pub" afin d'enrayer la dérive commerciale du service public de télévision.
Durant le quart d'heure qui suit le journal de
19 heures sur France 3 et le journal de
20 heures sur France 2, consommateurs, zappez tous !
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