R.A.P.-Échos 28
R.A.P.-Échos n°28
AOÛT 2000
La vie sans marques
Il y a quelques années, passait à la télévision
– à l’époque où il m’arrivait encore de la regarder
régulièrement – une publicité qui visait à
promouvoir le système des marques. La séquence durait à
peine quelques secondes, le temps d’entendre une voix nous interroger :
" Imagineriez-vous un monde sans marques ? " Et, pour mieux nous faire
ressentir l’angoisse de cette perspective ô combien sinistre, on
nous passait un visuel fixe d’une seule couleur et un fond sonore constitué
d’un sifflement à peine audible, relativement oppressant.
Bel exemple de manipulation : on aurait bien voulu nous faire
croire que sans les marques nous vivrions dans la monotonie. Encore un
de ces poncifs usés des publicitaires : n’ont-ils pas par exemple
lancé l’idée que les façades grises de l’ancien bloc
communiste étaient tristes parce que sans affichage publicitaire
? Un brin de raisonnement nous fait comprendre que les façades étaient
grises – et donc tristes – parce que le régime soviétique,
à bout de souffle, ne consacrait plus un kopeck depuis bien longtemps
au ravalement pourtant rendu nécessaire par la pollution de son
industrie vétuste.
De même, aujourd’hui, le conformisme, la monotonie et la
tristesse viennent souvent de l’uniformisation des cultures, des modes
de vie que nous apportent les multinationales et la publicité. Les
marques sont partout et n’apportent pas de solution aux inégalités
sociales et aux malheurs de la planète. L’idéologie publicitaire
ravale l’homme au rang de mouton en obscurcissant son esprit de millions
de signes parasites.
Casseurs de Pub (voir p. 4) lance dans sa lettre trimestrielle
numéro 4 l’idée d’une " rentrée sans marques ". Une
idée simple qui consiste à inciter les jeunes, notamment
les élèves, à ne pas tomber dans le panneau de l’uniforme
publicitaire qui rappelle obscurément les chemises brunes et noires
que portaient les jeunesses fascistes. On ne peut qu’applaudir à
cette initiative qui vient compléter utilement les déjà
célèbres " journée sans achats " et " semaine sans
télévision ".
La " rentrée sans marques " nous incite à faire
disparaître de nos vies tous les signes commerciaux parasites que
nous ne voyons parfois même plus, à commencer par les étiquettes
et inscriptions ostensiblement apposées sur nos vêtements
ou nos chaussures ou sur les fournitures scolaires des enfants. L’exercice
peut paraître trivial au premier abord, mais qu’on y réfléchisse
un peu : combien d’automobilistes, peut-être même parmi nous,
laissent sur leur vitre arrière la publicité d’une société
d’assurance ou – pire encore – d’une compagnie pétrolière
qui vient de souiller notre littoral ? L’accoutumance à la publicité
et aux marques est réelle : il ne sera pas facile de s’en défaire,
même au sein de nos vies privées.
Alors, tous ensemble, décousons, décollons, retournons
ces signes envahissants qui nous ont transformés progressivement
en hommes et femmes-sandwichs. Faisons peau neuve et ne laissons plus sortir
impunément les marques de leur seule réserve légitime
: les magasins !
Thomas Guéret
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Appel au boycottage ?
(Débat lors de l’assemblée générale
du 17 juin 2000)
R.A.P. doit-elle lancer des appels au boycottage ? Non, à
l'unanimité, sauf exception qui le justifie particulièrement.
R.A.P. ne doit pas attirer l’attention du public sur des marques qui emploient
des techniques ou des messages publicitaires provocateurs, sous peine de
tomber dans le piège tendu par les publicitaires. L'association
appellera plutôt au boycottage permanent par des actions individuelles
que chacun pourra cibler de sa propre initiative contre les marques qui
auront selon lui dépassé certaines limites. R.A.P., en revanche,
pourra signaler les avancées de la publicité en terme de
volume ou d’apparition de nouveaux supports et appeler ses adhérents
à envoyer des lettres de protestation.
R.A.P. doit-elle citer les marques ? Plusieurs avis contradictoires,
mais un accord est trouvé pour inciter à s'en abstenir lorsque
le nom de l’annonceur n’apporte rien d’un point de vue stratégique
ou technique.
À propos de tolérance
Dans notre n° 24, Luc Forestier évoquait, dans un texte
écrit au sujet d’une action-cinéma, son état de prêtre.
Cet article, " Drôle de séance ", n’avait pas été
écrit initialement pour être publié dans notre bulletin
mais avait été envoyé par L.F. à quelques amis
dès le lendemain de cette action. Les mentions qu’il faisait de
sa foi n’étaient pas destinées aux lecteurs de R.A.P.-Échos
mais à des connaissances qui ne pouvaient s’offusquer de ces rappels
de son engagement religieux.
Bien sûr, la rédaction de R.A.P.-Échos a
proposé à L.F. de reprendre ce texte dans le bulletin, non
sans envisager de gommer ces allusions à un engagement sans rapport
direct avec notre association. L’intéressé a préféré
que ces détails fussent maintenus, jugeant que son engagement n’était
pas anodin dans sa relation des événements. Dans un souci
de pluralité et par refus de pratiquer une censure abusive, nous
avons jugé opportun de publier ce texte en l’état.
Selon Serge Skarbinck (voir n° 27), ce texte n’avait pas
sa place dans R.A.P.-Échos. Il relève notamment que les religions,
par certains de leurs travers le plus fréquemment relevés,
manipuleraient les consciences comme la publicité.
Notre mouvement est composé de personnes de diverses opinions
politiques ou religieuses. Cette pluralité est une richesse, et
notre bulletin s’en fait volontiers le reflet dans un esprit d’ouverture
et de respect. C’est bien dans cet esprit que nous avons publié
le texte de L.F., qui aurait pu, dans le cadre d’une association " laïque
" comme R.A.P., être écarté au profit de la tranquillité
d’esprit et du confort de chacun.
On pourra objecter que le texte de S.S. faisait preuve de moins
de tolérance en prenant L.F. assez violemment à partie. Qu’à
ce titre, il était même justement contraire aux principes
de tolérance qui viennent d’être exposés. Certains
l’ont même ressenti comme une insulte à leurs convictions
personnelles.
Précisons que ce second texte a été publié
à la demande expresse de son auteur. Cette publication est pleinement
assumée par nous puisque c’est aussi le rôle de notre bulletin
que d’être la tribune des lecteurs ; cependant, le texte introductif
au courrier des lecteurs — " extraits reproduits avec l’autorisation de
leurs auteurs " — a pu laisser croire que nous avions pris l’initiative
de cette publication et que nous reprenions à notre compte les propos
délibérément provocateurs de S.S. Ce n’était
pas le cas.
Il était utile de publier ces contributions. Que chacun
y voie l’expression d’un souci de tolérance de notre part. S’il
n’est pas dans les statuts ni dans les intentions de R.A.P. d’entrer dans
le champ de la spiritualité, nous comptons bien laisser à
chacun la liberté de ses opinions.
Thomas Guéret
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Escargot escorteur (Le Blanc, Indre)
Les limitations de vitesse ? Valables pour tout le monde, sauf…
la caravane du Tour de France, publicité oblige !
Le 7 juillet 2000, vers 14 h, le Tour de France (caravane publicitaire
annuelle immédiatement suivie d’une course d’hommes-sandwichs à
vélo) doit passer par Le Blanc, sous-préfecture de l’Indre.
Un important dispositif a été mis en place : interdiction
de circuler en ville avec sa voiture de 12 h à 15 h, barrières
métalliques pour contenir les badauds venus admirer les hommes-sandwichs,
mobilisation du personnel communal, forte présence policière
et de la maréchaussée.
Vers 11 h, Robert Heymann, automobiliste publiphobe et peu friand
du principe " deux poids, deux mesures ", se poste 4 km en amont avec sa
voiture et roule à 20 km/h. Il sait, la ville s’étant déjà
honorée d’accueillir le " Tour " en 1997, que des officiels de la
course, des journalistes et les représentants des marques vantées
par les coureurs précèdent de loin la caravane dans des voitures
qui ignorent allègrement les limitations de vitesse. Il fera donc
le " bouchonneur " pour obliger à ralentir ces importuns qui font
les importants. Les bolides, en effet, ne tardent pas à surgir,
tous phares allumés.
Trois d’entre eux subiront l’escargot escorteur sur un trajet
de sept kilomètres (quatre avant Le Blanc, trois après),
trajet ponctué de virages, de hameaux et, bien sûr, d’une
traversée de la ville, autant de zones dangereuses où la
vitesse est limitée à 70, voire 50 km/h. Et ce ne sont pas
les appels de phares, les coups d’avertisseur, la gesticulation brachiale
des conducteurs ni les vaines tentatives illégales de dépassement
qui seront venus à bout de la détermination de l’escargot.
Huit jours plus tard (15 juillet), près de Briançon,
l’épilogue : le passage " un peu " trop rapide de la caravane du
Tour de France provoquera la mort d’un enfant.
Yvan Gradis
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Escalade, escamotage (Le Blanc, Indre)
Quand un justicier du paysage s’improvise dermatologue d’urgence.
Le Blanc, sous-préfecture de l’Indre, n’est pas épargné
par l’acné publicitaire dont souffre la France entière. Début
juillet 2000, Robert Heymann constate la présence d’un grand nombre
de panneaux en carton imperméabilisé de 20 x 60 cm. Accrochés
illégalement à des arbres, à des panneaux de signalisation
et même aux rambardes du pont qui enjambe la Creuse, ils arborent
les noms d’un nouveau supermarché local, de l’organisateur d’une
manifestation canine et de différentes marques de produits pour
chiens.
Le 9 juillet, en ayant par-dessus la tête d’entendre les
gens, y compris des élus locaux de ses connaissances, geindre devant
la publicité envahissante, le citoyen excédé, armé
d’un couteau, coupe les ficelles qui retiennent ces panneaux. Il en décroche
vingt-sept en tout, qu’il emportera ensuite chez lui.
Interpellé par deux passants dont un lui fait remarquer
qu’il commet une action illégale, il répond : " Si c’est
illégal, allez chercher la police. Comme vous êtes deux, votre
ami n’aura qu’à rester avec moi en attendant… " Les quidams repartent
sans demander leur reste.
Le lendemain, l’escamotage ayant été ébruité,
R.H. se voit interroger par deux conseillères municipales bien intentionnées
: " Et que faites-vous contre toutes ces affiches pornographiques qui recouvrent
nos murs, du type " 3615 Fesses "… ? Ce à quoi l’escamoteur répond
: " Que faites-vous vous-mêmes ? " avant d’ajouter, irrité
par tant de velléité : " Moi, les fesses, ça m’a toujours
intéressé, et je regrette vraiment de n’avoir pas eu droit
à ce genre d’affiche quand j’étais adolescent ! " À
voir la tête de ses interlocutrices, il comprend que le message est
passé.
Y.G.
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Métaphore tauromachique (début)
Lors de son intervention, pendant les deuxièmes Assises
de l’affiche, organisées, le 10 mai 2000 à Paris, par M.
André Parinaud, président de l'Académie nationale
des arts de la rue, Jean-Claude Oubbadia, membre de R.A.P., a piqué
au vif l’institution publicitaire.
J.-C. O. — J'étais venu avec le projet de critiquer la publicité,
tout au moins de lui apporter une certaine critique. Malheureusement pour
moi, je ne vois sur les murs qui nous entourent que de la bonne publicité,
des affiches plutôt agréables à regarder et qui, dans
leur ensemble, respectent le public auquel elles sont destinées.
Je resterai néanmoins fidèle à mon intention critique
parce que tout le monde ici, depuis ce matin, n’a dit que du bien de la
publicité. Or, la publicité ne comporte pas seulement de
bonnes choses. Elle présente aussi des aspects douteux et inquiétants.
Je vous propose donc quelques points de réflexion dans ce sens.
A.P. — Vous êtes un militant nuancé.
J.-C. O. — Vous en jugerez quand j'aurai fini ! Je vais reprendre l'idée
des banderilles évoquée tout à l’heure. Je vous en
ai préparé sept.
Première banderille : la publicité apparaît comme
une chose positive et joyeuse.
C’est une erreur de notre part car elle offre un arrière-plan
redoutable. En effet, la publicité est avant tout une comparaison.
II n'y a pas de geste publicitaire qui ne soit une comparaison opposant
la splendeur du produit à la médiocrité du public.
Splendeur parce que, pour rester dans l'exemple de l'affiche, vous imaginez
facilement qu'elle est faite par les meilleurs spécialistes. Bien
avant sa réalisation, un cahier des charges établi par d'excellents
professionnels met tout en œuvre : une étude psychologique, l’empathie
des meilleurs créatifs, le talent des meilleurs photographes, la
prestance des meilleurs modèles (photographiés sous leur
meilleur angle)... Bref, on conjugue tellement de chances de réussite
— gros budget aidant — que le produit, tel qu’il apparaît sur le
mur, je m’autorise à dire qu’il est splendide. Et qu’y a-t-il en
face de cette richesse de moyens ? Il y a vous et moi. Et, vous le savez
bien, nous nous sentons toujours médiocres en regardant une affiche.
Quel que soit le produit présenté, nous comprenons automatiquement
que ce dont nous disposons déjà n'est pas de bonne qualité,
n'a pas d'allure, est vieillot, caduc... Et si, deuxième exemple,
cette affiche nous informe de l’expansion d’un secteur économique,
nous comprenons très bien aussi que notre bagage professionnel ou
culturel est périmé. L'affiche ne le dit jamais de manière
explicite mais, tenant compte de son argumentation, on ne peut qu’en conclure
à l’indigence de notre matériel ou à l’indigence de
notre personne. Pire encore, si cette affiche a un caractère électoral,
elle s'attaque directement à nos principes puisque le candidat en
campagne (comment différencier une campagne électorale d’une
campagne publicitaire ?) propose une nouvelle société, bien
supérieure à la nôtre. Et c’est indiscutable !
Je conclurai ce premier point en disant que la publicité, quand
même et pour une part, est une entreprise de dénigrement et
de culpabilisation. Elle comporte une intention humiliante pour le spectateur.
En compensation — c’est là son objectif et son argument principal
—, elle nous propose la rédemption en cas d’achat du produit.
Deuxième banderille : la publicité occupe tout l'espace.
Nous pourrions penser avec naïveté, étant donné
qu’il ne reste dans notre univers aucun espace laissé libre par
la publicité, que celle-ci nous informe de tout. Et de fait, compte
tenu de son emprise, nous sommes un peu empêchés d’imaginer
d’autres espaces ou des contenus d’une autre nature.
Or je voudrais faire appel à vos souvenirs. Quand vous étiez
petits, vos parents ont perçu de l’argent, pour que votre enfance
et vos études se déroulent harmonieusement quelle que soit
la situation financière de votre famille. De la même manière,
étant malade, vous avez pu être soignés quelles que
soient, là encore, les circonstances. Je voudrais enfin, pour le
cas où vous rateriez l’essentiel de votre carrière, attirer
l’attention sur un fait : vous recevrez, malgré tout, assez d’argent
pour finir votre vieillesse dans la dignité.
Dans ces trois étapes critiques de la vie, telles que je les
ai abordées, intervient la Sécurité sociale, une des
choses peut-être parmi les plus importantes de France et qui, néanmoins,
ne figure jamais dans la publicité. Nombre de choses importantes
ne figurent jamais dans la publicité, qui a l’air de tout dire et
ne le fait pas. Elle ne parle pas de l'école qui occupe le quart
de notre existence, elle ne parle jamais du travail quotidien, lequel absorbe
pourtant l’essentiel de notre énergie huit heures par jour, quarante
ans durant.
Troisième banderille : ce que cache la publicité.
Jusqu'à présent, j'ai mentionné ce qu'elle n'était
pas — positive et joyeuse — et ce qu'elle ne disait pas en occupant tout
l’espace pour que personne d’autre ne puisse le dire. Maintenant j’en viens
à ce qu'elle cache.
Vers l’année 1945, les soldats américains faisaient du
troc avec des bas Nylon tellement solides qu’ils pouvaient être portés
toute une année. Ils étaient même si solides que la
profession de remmailleuse s’était développée pour
réparer et prolonger encore leur remarquable résistance.
Regardez : voici une brosse à ongles qui me sert chaque jour depuis
vingt-cinq ans. Elle est toujours impeccable. Et ceci : un couteau à
dessert de ma grand-mère. Il est utilisé depuis soixante-dix
ans.
Ainsi, sous prétexte du déferlement de produits " nouveaux
" (mais à renouveler sans cesse du fait de leur rapide obsolescence),
la publicité nous cache les produits ordinaires, inusables et indispensables.
Leur présence réelle simplifierait notre vie et permettrait
de nous consacrer à l’essentiel : la société, la santé,
la culture.
Au sujet de l’essentiel, je me souviens des chemises des années
50 dont le tissu évitait la rude astreinte hebdomadaire du repassage...
(Suite au prochain numéro. Les impatients peuvent obtenir dès
maintenant l’intégralité de l’article contre une enveloppe
timbrée.)
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L'exploitation du Père Noël
Le 21 décembre 1998 au soir, a eu lieu, à Paris,
l'action-Noël traditionnelle de R.A.P. Il s'agissait, comme chaque
année, à quelques jours de la fameuse fête mercantile,
de tenter de glisser une seconde de réflexion chez les consommateurs
qui, affolés, passent des heures à se laisser drainer vers
les tiroirs-caisses. Thème choisi cette fois-là : l'exploitation
du Père Noël.
Vers 18 h 30, onze membres de R.A.P. se retrouvent devant un libraire-disquaire
du milieu des Champs-Élysées, véritable ruche à
l'entrée de laquelle ne cessent de tourbillonner des essaims de
jeunes. À partir de 19 h, suivant une mise en scène imaginée
par le président de l'association et sur un texte esquissé
par lui, trois militants improvisent sur le trottoir une saynète
qu'ils répéteront en boucle une vingtaine de fois. L'un,
le Père Noël, arbore un écriteau avec ces mots : " J'en
ai marre d'être exploité " ; l'autre, le publicitaire en costard-cravate
et lunettes noires, brandit un manche à balai en guise de badine
; un troisième, le journaliste, porte en bandoulière magnétophone
et appareil photo.
Action ! Le publicitaire mène son Père Noël à
la badine, le " lançant " avec brutalité à l'assaut
des passants-consommateurs (bien réels ceux-là !). Le malheureux
barbu à redingote rouge est obligé de harceler les passants
pour les faire se presser encore plus vite vers les tiroirs-caisses. Mais,
dès que son exploiteur a le dos tourné, il se plaint, gémit,
clame sa détresse, notamment dans le micro que lui tend le journaliste-photographe,
attiré par cette scandaleuse scène de misère. D'autant
plus attiré, d'ailleurs, qu'il y a là matière à
de cruelles photos qu'il pourra revendre aux magazines en mal de sensations...
Mais le publicitaire, lorsqu'il s'aperçoit que son rouge esclave
ne fait pas son travail, se jette sur lui en vociférant et s'en
prend au journaliste auquel il essaie d'extorquer sa pellicule. Le Père
Noël reprend alors son labeur, et ainsi de suite. Parallèlement,
un quatrième militant s'égosille en interpellant les passants
: " Achète ! Consomme ! Sois heureux ! Tais-toi ! " C'est d'ailleurs
à peu près le texte qui figure sur des papillons en forme
de billets de banque, distribués aux passants en guise de tracts
pour leur expliquer les mobiles de l'action.
Vers 20 h, après avoir arpenté une portion des Champs-Élysées,
la petite troupe range costumes et accessoires et se retrouve autour d'un
pot pour faire le bilan.
Y. G.
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Écho de l'assemblée générale des lecteurs du
Monde
Le 25 avril 1998, La Société des lecteurs du Monde
tenait son assemblée générale. Parmi les questions
écrites qui lui étaient parvenues dans cette perspective,
celle-ci, émanant de J.-C. Oubbadia :
" Quelle est la position de la direction du Monde sur le problème
de la publicité et de sa présence de plus en plus envahissante
dans le journal ? Je me suis engagé financièrement dans votre
société pour soutenir un journal intelligent et courageux
et non un support publicitaire. Je vous rappelle que l'accueil d'une forte
proportion de publicité ne peut avoir, à l'évidence,
que deux significations : d'une part, l'acceptation d'un mode de financement
contraire à l'esprit du montage juridique et financier assurant
l'indépendance du Monde ; d'autre part, l'approbation manifeste
de l'idéologie libérale, dont la publicité est le
plus éclatant symptôme, ce qui est contraire à une
vocation de neutralité par ailleurs hautement revendiquée.
"
La synthèse des questions, distribuée lors de l'assemblée,
mentionnait bien que " plusieurs contributions concernaient la publicité
" et reproduisait la. En guise de réponse, il a été
révélé - révélation du siècle
! - que la publicité rapporte de l'argent et qu'elle est nécessaire
au journal.
J.-C.O.
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