R.A.P. a pour vocation de faire connaître les diverses
approches de la lutte antipublicitaire
sans pour autant adhérer à toutes les opinions et idées
d'actions formulées, dont elle laisse la responsabilité à
leurs auteurs.
Introduction :
Bonjour et bonne année à tous,
Puisque chaque nouvelle année est l'occasion de voeux plus invraisemblables
les uns que les autres, faisons celui de voir la publicité commerciale
disparaître de l'espace public en 2002. Pour ce faire, nous devons faire
circuler nos arguments contre la manipulation publicitaire. Mercredi 30 janvier,
nous allons oeuvrer dans ce sens en procédant à l'envoi du prochain
numéro de R.A.P.-Échos. Alors, si vous souhaitez agir concrètement
à nos côtés, venez nous aider à mettre ces 700 exemplaires
sous enveloppe. L'action se situera dans notre local de Vincennes (coordonnées
en fin de message) entre 10 heures et 18 heures.
En attendant votre venue, je vous souhaite une bonne lecture.
Samedi 22 décembre à 15 h, 6 personnes se sont retrouvées
place Beaubourg puis devant le BHV pour une action théâtre
de rue intitulée : "Le Père-Noël et le publicitaire".
Bouffetou le vilain publicitaire fouettait Père-Noël pour l'inciter
à vendre tandis que ce dernier exprimait son désarroi devant le
peuple parisien. Les autres protagonistes distribuaient des tracts expliquant
l'action.
2) MAURICE PERGNIER - Intervention du 20 octobre 2001, Cité
des Sciences, dans le cadre de la « Semaine du goût ».
Débat organisé par Tocsin, à l'invitation
de Pierre-Yves Schneider, sous le titre « La publicité
est-elle comestible? ». Public estimé à entre 100 et 200
personnes (très passif, pratiquement aucune question ni débat
à la fin).
L'invitation avait été adressée à R.A.P.
et je ne m'exprimais pas à titre personnel. L'association a été
nommée à plusieurs reprises. Outre moi-même, le débat
réunissait : la responsable d'un laboratoire de l'INSERM
chargé d'étudier les comportements alimentaires des jeunes ; la
directrice d'une agence de publicité ; le chef du service de sécurité
alimentaire de Danone (je ne nomme pas ici une marque mais une raison sociale)
; un pédopsychiatre, professeur à l'université de Rennes
; le rédacteur en chef de l'émission "Culture pub" ;
et une personnalité (très connue, semble-t-il, dans le cadre de
la Cité des Sciences). dont j'ai oublié le nom et la qualité,
chargée de tenir le rôle du Candide.
Le thème était : dans quelle mesure la publicité influe-t-elle
sur le comportement alimentaire (détestable, semble-t-il) des jeunes
?
Aucune réponse claire n'est ressortie de la discussion, sur ce point
qui, d'ailleurs, n'intéresse RAP que très secondairement.
Je ferai donc ici seulement le compte-rendu des points portant sur les questions
générales liées à la publicité, et plus particulièrement
de mes interventions.
Je soulignerai d'abord que, grâce à la qualité de l'animatrice
- et aussi, sans nul doute, à celle des intervenants, tous gens de bonne
compagnie -, la discussion n'a tourné à aucun moment au pugilat.
J'ai choisi le moment de mes interventions et j'ai pu dire tranquillement tout
ce que je voulais dire. Il n'est pas inintéressant de noter que le seul
intervenant qui ait fait l'éloge de la publicité (particulièrement
en direction des enfants), et avec lequel j'ai eu un échange un peu vif
a été ... le pédopsychiatre.
Mes deux interventions principales ont porté sur les points suivants
:
1) Le débat s'éternisant (inévitablement) sur le point
de savoir si les publicités alimentaires en direction de la jeunesse
étaient véridiques ou mensongères, j'ai développé
longuement l'idée que les notions de vrai et de faux étaient étrangères
à la publicité, que ce n'était pas pour cela que les commerciaux
faisaient appel à elle. Que son rôle était de séduire,
etc. J'ai ajouté que, bien sûr, il y avait une part d'information,
donc de vrai, dans les messages publicitaires (par ex., dans les cas considérés,
informations sur la quantité de graisse, de sucre, etc.), mais que cela
tenait, d'une part, au fait que le donneur d'ordre n'est pas seulement le commanditaire
d'un message publicitaire, mais aussi un industriel (fabricant et commerçant)
ayant sa déontologie commerciale; et d'autre part au fait que la cible
du message publicitaire est aussi un client ayant ses exigences ; enfin au fait
que les pouvoirs publics imposent une certaine transparence. Je concluais donc
en disant que l'existence d'une part d'information dans les messages publicitaires
était le résultat d'un compromis entre ces divers impératifs.
À ma grande surprise, la directrice d'agence de publicité déclara
qu'elle était d'accord avec moi, que les questions de véracité
et de fausseté de l'information ne faisaient pas partie de la problématique
des publicitaires... Le chef du service de sécurité alimentaire
de Danone expliqua que son service était souvent en conflit avec le service
marketing qui déformait les présentations faites des produits
à des fins publicitaires.
2) L'animatrice m'ayant demandé de dire si notre association était
radicalement hostile à la publicité en tant que telle, ou seulement
à ses « abus », je fis à peu près la réponse
suivante, que je donne en détail, car l'argumentaire peut servir à
d'autres en de semblables circonstances :
« Si je vous demandais : êtes-vous contre les vaches ? la question
n'aurait pour vous aucun sens et vous ne répondriez pas. En revanche,
si en sortant de ce bâtiment, vous mettiez le pied dans une bouse de vache,
la question commencerait d'avoir une pertinence. Si, un peu plus loin, vous
tombiez sur un troupeau de vaches, puis qu'en voulant sortir votre voiture du
parking deux vaches vous bouchaient le passage, vous commenceriez d'avoir une
sérieuse opinion sur les vaches... Bref, on ne peut pas dissocier la
question du qualitatif et celle du quantitatif. Tant que la publicité
tenait une place limitée dans l'espace social et dans la communication,
personne n'était tenté de s'interroger sur sa nocivité
intrinsèque. Ce n'est que dans la mesure où elle envahit tous
les secteurs de la communication et tout l'espace social qu'on est amené
à s'interroger et à dénoncer son caractère totalitaire
(non seulement dans son omniprésence mais dans sa nature même )
».
Il s'ensuivit différents propos des autres intervenants sur l'envahissement
publicitaire. Je rapporterai seulement celui du chef de service de chez Danone
qui dit (micro ouvert) : « Je ne regarde presque pas la télévision,
parce que je ne supporte pas cette omniprésence de la publicité.
» Seul le pédopsychiatre continuait de défendre les bienfaits
de la publicité et même ceux de la « séduction »,
dont j'avais dit qu'elle était le moteur unique des messages publicitaires.
Il fut le seul à partir sans me saluer. Ça ne s'invente pas !
Ci-dessous, à la suite de l'implantation de panneaux publicitaires
type préenseignes 4X3 pour le compte de la société GEMO
à Pontivy, un exemplaire de la "lettre qui tue", nouvelle arme
qui sera désormais distribuée à titre personnel à
tous les voisins du malotru et du malfaisant qui s'est laissé aller à
défigurer tout l'environnement visuel de la commune qui l'héberge.
Cette lettre n'a d'autre ambition que de participer à l'amélioration
des relations entre voisins. G. Bourbon
Madame, Monsieur,
Un nouveau panneau publicitaire vient d'être implanté dans votre
quartier!
- Vous pouvez estimer qu'il participe à l'embellissement de votre cadre
de vie.
- Vous pouvez estimer qu'il participe à l'enlaidissement de votre cadre
de vie.
- Vous pouvez ne pas avoir d'avis.
- Vous pouvez vous féliciter que votre avis ait été sollicité.
- Vous pouvez regretter de ne pas avoir été consulté.
- Vous pouvez ne pas avoir d'avis.
- Vous pouvez considérer qu'il s'agit d'un avantage.
- Vous pouvez considérer qu'il s'agit d'un désavantage.
- Vous pouvez ne pas avoir d'avis.
____________________________________________
La publicité extérieure vue par ses professionnels en 1995 (1)
(contribution de l'Union de la publicité extérieure au CD-Rom
du Ministère de l'Aménagement du territoire et de l'Environnement
"Publicité et cadre de vie"):
- 200 000 supports grand format (affiches 4X3)
- 100 000 faces de mobilier urbain
- 55 000 faces dans les métros
- 20 000 faces dans les gares
- 53 000 faces sur les bus
- 34 000 supports de petits formats dans le métro.
- 250 dispositifs lumineux.
(Source : Publicité, enseignes et préenseignes. La loi du 29/12/79
et ses textes d'application. Ministère de l'Aménagement du territoire
et de l'Environnement).
(1) Ces chiffres sont, bien entendu, fluctuants.
_________________________________________________
En France, la part représentée dans le marché publicitaire
par l'affichage proprement dit atteignait en 1996 (2) 11,7% pour : 8,4% en Grande
Bretagne, 8,3% en Allemagne, 3,3% aux États Unis et 2,6% en Italie .
(Source Le médiagraphe 1998-1999 CESP éd.Et IREP Le marché
publicitaire français étude 1996 cité par Publicité
enseignes et préenseignes. La loi du 29/12/79 et ses textes d'application.
Ministère de l'Aménagement du territoire et de l'Environnement).
"La laideur, c'est le décor de la barbarie. La laideur anesthésie
l'intelligence, étouffe insidieusement la joie de vivre, pourrit lentement
nos facultés d'émerveillement, nous transforme en carpettes intellectuelles,
en 'mous du bulbe', en grignoteurs de tranxène."
Définition de la beauté selon le dictionnaire Quillet de la langue
française:
"Qualité de ce qui plaît et remplit d'admiration; qualité
de ce qui charme par une certaine perfection"
Voici ci-dessous le témoignage que nous a fait parvenir un sympathisant
de l'association :
Je commence à barbouiller tout seul suite aux actions « Au grand
jour » d'YG. Son action m'a permis de dépasser
mon blocage face à cet interdit. La transgression s'est muée en
soulagement, en plaisir, et aujourd'hui en mission civique alliant la revendication
et le côté ludique. J'ose enfin m'attaquer aux affiches publicitaires
papier du métro et de la rue.
Je suis rapidement rejoint par une amie qui a elle-même sauté le
pas en nous voyant en pleine action « Au grand jour ». Ce fut une
sorte de bouleversement émotionnel que de nous voir nous en prendre de
manière décidée à cet ordre publicitaire, cet ordre
auquel personne n'ose répondre et que l'on subit souvent dans une souffrance
silencieuse quand on se croit isolé et donc marginal.
Mon amie et moi répondons alors à la publicité (plutôt
la « privatité ») en détournant son message, en démystifiant,
en soulignant les travers et les absurdités que le système publicitaire
et l'idéologie de consommation engendrent au détriment de l'environnement
et de nos humanités et au mépris de la responsabilité,
de la liberté et du Sens. Tandis que j'écris des messages-slogans
en cherchant une efficacité dans la formule, elle s'exprime plus longuement,
librement, plus humainement, en prenant tout son temps. A l'aide d'un marqueur,
d'abord en cachette - la nuit - puis de plus en plus ouvertement, puis en recherchant
le dialogue et la réaction des gens, mon amie et moi commençons
à parcourir délibérément des rues à la recherche
de supports publicitaires (aubettes, sucettes, 4x3...).
Nous obtenons des réactions à travers des rencontres : des gens
qui s'arrêtent pour lire, étonnés, séduits voire
conquis. Les discussions qui en découlent sont chaleureuses et encourageantes.
Plusieurs nous demandent nos marqueurs pour écrire également quelque
chose ! Certains nous demandent nos contacts pour rejoindre notre lutte.
Tout en continuant les barbouillages, nous passons à une étape
suivante en retirant les affiches sous cadre plastique aimanté. En utilisant
le support papier au dos, nous pouvons écrire des messages réfléchis,
humoristiques, sensibles, faire des dessins en toute sécurité
(dans un espace privé, chez soi, chez quelqu'un). Dessins, textes courts,
thèse copieuse : tout est bon pour interpeller, rendre complice les gens
et les sensibiliser à travers un autre son de cloche. Cette technique
a de nombreux avantages : elle diminue le risque puisqu'on ne reste pas sur
le lieu du forfait, elle ne dégrade pas le matériel et le contenant
et elle incite les autres à s'approprier un espace d'expression pour
citoyens qui n'existe pas pour l'heure. Mon amie est restée plusieurs
semaines à Montpellier et a rallié énormément de
monde au combat antipublicitaire et à son action de résistance.
Nous y avons sévi tous deux ainsi qu'à Toulouse et à Paris.
À Toulouse, après avoir récupéré les affiches,
nous commençons à réécrire dans un bar, ce qui suscite
rapidement un intérêt autour de nous. Une fois que nous avons expliqué
nos motivations, certains demandent à écrire. Un atelier d'«
écriture civique à substituer à la pub » se crée
donc spontanément! Une fois les messages écrits, il ne reste plus
qu'à les réinstaller dans les affiches-cadres de pub (en récupérant
au passage de nouvelles feuilles de pub à réutiliser plus tard).
Après la dernière action « Au grand jour », nous nous
retrouvons un petit groupe de 8 personnes aussi motivées que joyeuses.
Nous prenons d'assaut (à coup de nombreux et explicites messages et détournements)
les stations Porte de Vanves, Invalides et République (y compris les
couloirs) : les réactions des gens ne sont jamais hostiles, car les messages
écrits les touchent et ils comprenent notre action. Le fait de ne pas
agir dans la clandestinité, d'assumer notre acte et d'expliquer notre
motivation, de détailler nos parcours, de proposer un possible à
l'Homme auquel la société mercantile s'oppose, et de parler sincèrement
et ouvertement, ne peut que toucher et conquérir les gens. Dans le métro,
mon amie commence à s'adresser à la foule en brandissant une des
affiches de femmes nues récemment exposées pour des magazines.
Quand elle demande s'il est normal qu'on soit matraqués d'affiches aussi
dégradantes ou que les enfants les aient à hauteur de vue quand
ils entrent dans une boulangerie, les gens nous répondent silencieusement,
mais en rougissant : les gens sont d'accord avec nous sur le fait de réagir.
Quand nous arrachons la pub suspendue dans les rames de métro, les gens
nous regardent interloqués. Si nous leur disons, par exemple, que la
pub fait mal aux yeux, qu'on les en soulage et qu'on peut réutiliser
le papier pour écrire ou dessiner, ils rigolent et acquiescent. Quand
nous les réutilisons et les réaccrochons du côté
papier avec un ruban, avec un message recto verso contre l'anonymat, contre
la pub, mais pour la création, les gens restent médusés.
Le décalage que constitue le fait d'accrocher une petite affiche manuscrite
qui parle aux gens avec gentillesse et avec du sens est prodigieux ! Après
que nous l'avons fait, un jeune en doudoune se lève spontanément
vers nous et nous demande avec sincérité et détermination
comment on pourrait lui enlever le logo qui est cousu dans son dos !
Lorsqu'on accroche des messages humanistes sur de petites planches de bois (réutilisation
de boîtes de camembert) suspendues à un arbre par un ruban, cet
acte opère comme un charme. Les gens prennent une bouffée d'air.
Avec nos compagnons, nous avons arpenté les rues au hasard et retiré
les pubs-inserts croisées en chemin. Nous avons profité de la
tranquillité du premier étage d'un restaurant pour le transformer
en atelier et faire connaissance. Nous avons utilisé le verso des pubs
pour y inscrire idées, messages, sans formalité aucune. Après
nous être défoulés, nous nous sommes redonné rendez-vous
un autre jour pour remplacer les pubs par nos messages et dessins. Après
les retrouvailles dans un bar, nous avons fait une tournée pour réinstaller
la trentaine d'affiches vierges réécrites ou repeintes par nos
soins, tout en barbouillant à droite à gauche. Nous avons parfois
utilisé de la colle afin que la feuille ne soit pas enlevée trop
facilement, même si cette action peut prêter à la controverse.
La soirée s'est superbement déroulée.
Ce qui m'étonne le plus, c'est de voir l'unanimité des réactions
que nous provoquons : au moins de l'enthousiasme, et jamais d'hostilité.
Cependant, il convient de rappeler que les commerçants (boulangeries,
librairies, laveries, bars, brasseries, épiciers etc.) ne sont que payés
en bons pour chaque affiche posée (par un employé de la société
d'insert) qu'ils convertissent à la fin de l'année en objet de
leur choix parmi un catalogue d'une centrale (un four à micro-ondes par
exemple) mais qu'ils doivent veiller à ce que l'affiche soit maintenue
à sa place.
Il m'est arrivé une fois qu'un commerçant, alerté par le
bruit que je faisais (au moment de retirer l'affiche) sorte, mi-étonné,
mi-inquisiteur : « Vous étiez en train de piquer les affiches ?
» Pris de court par la surprise : « Ben non. -Ah. Vous étiez
en train de les mettre ? - Ben oui. -Ah bon, bonsoir » et il se renferme
dans son magasin. Pas très fier, je suis quand même parti avec
mes deux affiches sous le bras, sans oser me retourner.
Il faut savoir que certaines affiches (notamment celles avec des femmes séduisantes
et dénudées, ou celles qui présentent une esthétique
ou un film appréciés) sont volées, si besoin en cassant
le verre de l'aubette ou de la sucette.
Nous avons eu une réaction plus véhémente d'un tenancier
de bar qui a pris en flagrant délit mon amie. Depuis l'intérieur
de son bar, énervé, il nous a sommés de remettre l'affiche
en place, en nous traitant de fous. Mon amie a désarmé son agressivité
en l'incitant à relativiser, tout en obéissant. Il était
vraisemblablement plus surpris et dépassé qu'on s'attaque à
« ses » affiches qu'à la publicité, et ce, plus par
réflexe de protection et de conservation que par réflexion destinée
à protéger la publicité. En dehors de ces deux incidents,
nous n'avons eu aucune réaction qui n'allait pas dans notre sens.
Devant le succès de ces opérations « retournement »
(d'affiche et de situation), nous avons décidé d'en faire dans
différents quartiers (bourgeois ou populaires) plusieurs fois par mois.
Il faut s'approprier des espaces de création et d'expression, puisqu'on
ne nous les donne pas et qu'ils sont réservés qu'à la seule
publicité. Cette action permet de le faire sans dégradation. Ces
actions simples à la portée de tous peuvent se propager car elles
sont simples et engendrent peu de risques, en même temps qu'elles marquent
les esprits. Nous avons aussi appris que la relation au « public »
dans une action est fondamentale et qu'avec de la pédagogie et de la
gentillesse, les gens nous soutiennent dans cette cause quels que soient leur
age, sexe, couleur et milieu.
Dans le cadre de la Fête de la science, mon lycée organisait dans
le hall d'entrée une exposition sur la génétique, dont
toutes les planches étaient en fait réalisées par des entreprises
privées, ce qui n'était pas explicitement mentionné ni
à l'entrée de cette exposition, ni sur tous les dépliants
présentant la manifestation. Le proviseur reçut donc la lettre
suivante :
Cyril RONFORT
Étudiant en classe de ...
13, bd Joseph-Girod
63000 CLERMONT-FERRAND
à
Madame le Proviseur du lycée B.-P***
63 000 CLERMONT-FERRAND
Clermont-Ferrand, le 22 octobre 2001
Madame,
Comme vous le savez, à l'occasion de la Fête de la science, une
exposition a eu lieu pendant toute la semaine dernière dans le hall d'entrée
du lycée. Celle-ci était présentée sur le programme
fourni par le lycée, et diffusé notamment auprès des élèves,
comme une exposition ayant pour thème la génétique.
En visitant cette exposition, j'ai effectivement pu constater que de nombreuses
planches retraçaient l'histoire de cette discipline scientifique.
Toutefois, chacune de ces planches portait, en bas et en gros caractères,
le nom de la société réalisatrice de ces documents. Cette
mention soulève un certain nombre de problèmes. Pour commencer,
il vient tout naturellement à l'esprit que ces planches, réalisées
non pas par un organisme public, mais par une société privée,
dont le but est la recherche du profit, n'ont pu l'être que si elles pouvaient
amener une contrepartie financière à ladite société
: autrement dit, on peut supposer qu'elles étaient plus destinées
à faire la promotion d'un groupe industriel qu'à informer de manière
objective le public. Car le deuxième problème soulevé est
effectivement celui de l'objectivité : ce groupe étant, entre
autres, une société de biotechnologies, l'histoire de la génétique
lui apparaît non pas comme une avancée de la recherche positive
pour l'humanité, mais avant tout comme une avancée scientifique
source de bénéfices.
Il y avait cependant beaucoup plus grave. En effet, d'autres planches étaient
entièrement consacrées, ouvertement cette fois, à la promotion
d'une autre entreprise de biotechnologies. Le problème n'est plus ici
celui de l'objectivité de l'information ou de la présence abusive
des marques dans le milieu scolaire (ce dernier problème ayant d'ailleurs
très bien pu être résolu en masquant sur chaque planche
le nom et le logo de l'entreprise) ; il s'agit directement de la présence
de ces planches, qui était déplacée à double titre.
D'une part, celles-ci, relevant plus de la publicité que de l'information,
n'avaient pas leur place dans un établissement d'enseignement public
; d'autre part, elles convenaient mal dans le cadre de la Fête de la science,
étant plutôt destinées à une exposition pour le congrès
des entreprises techno-scientifiques.
Je me permets donc de vous exprimer mon mécontentement, car j'estime
que, de par vos fonctions, vous auriez dû vous opposer à l'organisation
de cette manifestation telle qu'elle l'a été. Il me semble qu'il
serait souhaitable qu'à l'avenir, les entreprises privées ne bénéficient
pas ainsi dans l'établissement d'un espace offert gratuitement au sein
duquel elles peuvent librement étaler leur publicité.
Faisant confiance à votre vigilance, je vous prie d'agréer,
Madame, l'expression de mes salutations distinguées.
Au cours de l'entretien qui suivit la réception de cette lettre par
la principale intéressée, il apparut d'abord que celle-ci, tout
comme ses deux adjoints et les deux professeurs de biologie instigateurs de
la manifestation, n'avait rien compris à ma démarche, croyant
d'abord à un règlement de compte personnel avec les étudiants
en classes de Math. Sup. Bio et Math. Spé. Bio (auxquels était
destinée cette exposition), puis à une attaque dirigée
contre la société fournissant les planches (pourquoi dès
lors me serais-je donné tant de mal à NE PAS citer le nom de cette
entreprise ?).
Je passe sur les arguments imbéciles qui m'ont ensuite été
sortis (en d'autres termes, on m'a par exemple expliqué que cette exposition
était faite pour ne pas être vue...) ; la démarche de cacher
le nom de l'entreprise sur les planches a quant à elle été
qualifiée de "jésuite" par un des adjoints, qui avait
précédemment insinué que ma conduite était digne
de celle d'un "ayatollah" (notez au passage que ces deux termes sont
assez contradictoires !).
On m'a aussi accusé de vouloir établir une sorte d'"idéologie
unique" au sein du lycée (celle de l'Éducation nationale)
; il faut toutefois constater que nous n'avons en échange qu'une autre
idéologie unique, celle des entreprises.
Un autre argument a été celui du manque de moyens : l'INRA, autre
"partenaire" de la manifestation, n'a fourni qu'une poignée
de posters, et le lycée n'a pas les moyens de réaliser les planches...
Une question tout de même : lorsque l'Éducation nationale, d'ici
quelques années, n'aura plus les moyens de payer les professeurs, les
cadres et ingénieurs des sociétés transnationales viendront-ils
assurer, aux frais de l'entreprise, les cours de sciences naturelles ?
Ma démarche n'a cependant pas été inutile, car ma lettre
sera lue au conseil d'administration, qui avait donné son accord à
l'organisation de cette exposition (approuvée également par le
recteur). J'attends de connaître les réactions...
La nouveauté sur la Toile, les pubs sonores !!! Encore
une intrusion dans la vie des citoyens !!!
Vous butinez tranquillement, et passant sur un site à connexions élevées,
vous entendez "garçon, un café SVP" Oh stupeur kesskeC
!? Il y a quelqu'un chez moi (au bureau, dans la salle...) ! Vite, je regarde,
d'où vient ce son ?
De la bannière pub, bien évidemment !!!
Au secours, laissez-moi surfer tranquillement ! je ne veux pas vous entendre
et je ne pense pas tout le temps à couper le son avant de me connecter
!!!
Toutes les informations que vous venez de lire sont publiques, nous vous invitons
à les transmettre à toute personne susceptible d'être intéressée
: faites circuler !.
Pour tout renseignement (envoi d'un exemplaire de R.A.P.-Échos, notre
publication papier, adhésion, etc.) merci de prendre contact avec :
R.A.P. (Résistance à l'agression publicitaire)
53, rue Jean-Moulin, 94300 Vincennes
tél. : 01 43 28 39 21 (tcp. : 01 58 64 02 93)
Adhésion : 15 euros
Adhésion petit budget : 7,50 euros
Abonnement à R.A.P.-Échos : 5 euros.
Notre permanente assure la permanence téléphonique lundi, mardi
et jeudi de 10 h à 13 h (on pourra également nous joindre en dehors
de ces horaires, sans certitude de présence toutefois).
Réunions mensuelles : calendrier au début de ce message, renseignements
supplémentaires au 01 43 28 39 21 ou à contact
at antipub.org.
Paysages de France
(association qui lutte notamment contre l'affichage publicitaire envahissant)
MNEI
5, place Bir-Hakeim, 38000 Grenoble
Tél. & tcp. 04 76 03 23 75
http://paysagesdefrance.free.fr
Le Publiphobe, association concurrente de R.A.P.
(diffusion d'une feuille sporadique par abonnement)
B.P. 20012, 94211 La Varenne-Saint-Hilaire Cedex
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