Voici l'envoi de R.A.P. du mois d'octobre. Il s'est encore passé plus d'un mois depuis le dernier envoi mais il pourrait bien passer moins longtemps avant le prochain : l'activité galope pour notre association.
Vous trouverez ci-dessous le récit de notre dernière action cinéma (la 29ème) qui s'est terminée dans un commissariat du 6e arrondissement ! Le comble pour une action parfaitement non-violente et bon enfant. Le tout à cause d'un seul violent parmi les policiers... et parce que nous n'avions pas de journalistes avec nous : ce policier se serait certainement mieux conduit en leur présence. Bref, nous avons été victimes d'une (petite) bavure policière. Une fois sur 29 actions, c'est déjà trop, bien sûr, mais il y a peu de risques que cela se reproduise !
Du coup, notre prochaine intervention se veut festive et médiatisée : pour fêter notre 30e action cinéma, nous visons une grosse mobilisation. Cinq d'entre nous travaillent activement depuis déjà dix jours à l'organisation de l'action et à faire venir sympathisants et journalistes. Retenez donc bien la date : c'est l'action cinéma à ne pas rater cette année !
ACTION CINEMA N°30
à ne manquer sous aucun prétexte LUNDI 8 NOVEMBRE 1999 Rendez-vous à 18h30 précises
Place d'Italie, devant la mairie du 13e arrondissement
Pour participer, il suffit de payer sa place et de se munir d'une bonne dose de bonne humeur !
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Récit de l'action cinéma n°30, par Luc Forestier, prêtre de l'Oratoire.
(extraits du texte original qu'on peut consulter en cliquant ici)
L'action cinéma : de quoi s'agit-il ?
Il suffit d'aller une fois au cinéma pour voir un film à succès, pour se rendre compte que la publicité est incontournable : pour y échapper, il faudrait arriver au dernier moment, et donc se contenter des places les plus malcommodes. Notre action consiste donc à protester contre ce scandale permanent. Il y a plusieurs années, à l'occasion d'une séance précise et décidée à l'avance, nous nous contentions de nous lever et de tourner le dos à l'écran, en nous répartissant dans la salle. Nous donnions aussi des tracts explicatifs à ceux qui le souhaitaient. Après mon départ pour Cergy, je me suis éloigné de ces opérations, car elles sont toujours situées à Paris. Lundi 27 septembre, après un rendez-vous à Paris, j'ai donc décidé d'y retourner, après trois ans d'interruption et avec une nouvelle formule.
L'action du 27 septembre 1999 :
Nous nous sommes retrouvés une quinzaine de personnes, de tous âges et de tous horizons, munis de sifflets et de tracts. L'un de nous, équipé d'un projecteur portatif et de 25 kg de batterie, projette à l'écran, pendant la publicité, un texte de protestation. Pendant ce temps-là, et en quelques minutes, on distribue à qui le veut sifflets et tracts, et chaque publicité est saluée par un concert. Naturellement, les réactions des spectateurs sont diverses, certains se prennent au jeu et sifflent de tous leurs
poumons_ D'autres protestent : " nous aimons la publicité, et vous nous empêchez de la voir ". En réalité, ces derniers connaissent souvent slogans et musiques par cœur ! Cela dit, c'est vrai que nous créons un certaine " gêne ", mais c'est une sorte de geste prophétique, pour tenter de révéler à quel point il y a en fait une nuisance permanente de la publicité, à laquelle nous ne nous résignons pas. Cette action de résistance peut être mal comprise, mais c'est le risque de tout refus publiquement manifesté !
Ce soir-là, tout se passe bien : à côté de moi, par exemple, un jeune couple se déchaîne avec ses sifflets, et l'ensemble de la salle fait un fameux tapage ! Après la publicité, la salle est éclairée et, après quelques instants, elle est envahie par une dizaine de policiers en uniforme, et cinq ou six en civil. Ils se saisissent rapidement de cinq membres, repérés par le vendeur de bonbons. Ils les font sortir de la salle, sans ménagement et après avoir confisqué leurs papiers ! D'autres spectateurs protestent faiblement... ma première réaction a été de me terrer dans mon fauteuil, et de cacher tracts et sifflets ! Mais finalement, par solidarité et par curiosité, je décide de suivre mes compagnons et je suis donc à mon tour arrêté. Au sortir de la salle, un des policiers en civil s'échauffe un peu et passe les menottes à deux d'entre nous, mais dans l'ensemble, les policiers sont plutôt calmes, voire goguenards... évidemment, nous n'avons pas le profil de malfaiteurs. Après discussion, nous partons en " panier à salade " pour le commissariat (à deux pas de la catho ! ! !). Et là commence une longue attente dans le car, puis dans l'entrée du commissariat : la présence d'un prêtre parmi les gens arrêtés suscite quelques commentaires... d'ailleurs, deux heures après, c'est le lieutenant qui m'interroge très longuement (en me demandant mes décorations !). Nous avons d'ailleurs une bonne discussion sur le fond de notre action... L'exploitant de la salle a porté plainte, il risque donc d'y avoir des suites au civil (au pénal, il semble que rien ne pourra être retenu contre nous, car le trouble de l'ordre public est minime). Vers minuit, toute notre petite équipe est sortie du commissariat, un peu émue quand même...
Quelles seront les suites ? Difficiles à dire aujourd'hui, mais dans l'immédiat, cela a renforcé évidemment ma conviction que l'emprise publicitaire est telle qu'il faut protester ! J'ai aussi pu mesurer de près les conditions de travail des policiers, ce qui est une expérience intéressante_ mais je garde aussi cette réflexion d'un des jeunes policiers, " choqué " de voir un prêtre mêlé à cette affaire. J'aurais aimé m'expliquer avec lui : je suis là d'abord comme citoyen, et cette action n'engage que moi. D'ailleurs, et ce fut une des questions de lieutenant de police, je n'ai jusqu'à présent jamais " profité " de la tribune que mon ministère me donne pour protester contre l'agression publicitaire, ni pour convaincre qui que ce soit. Je suis parfaitement conscient que les opinions peuvent être légitimement diverses parmi les chrétiens ou parmi les prêtres. Personnellement, je refuse pourtant les pressions exercées par ces nouvelles idoles, qui comme toutes les idoles, se présentent comme moyens de salut, pour mieux asservir ceux qui sont séduits.
La publicité nous sauvera-t-elle de la faim dans le monde ?
Peut-être avez-vous déjà reçu ces derniers temps
un message concernant le site internet en anglais d'une œuvre caritative (http://www.thehungersite.com)
permettant, au moyen d'un simple "clic", d'offrir un bol de riz aux affamés
du monde ?
Bien sûr, - qui en aurait douté ? - le dit bol de riz est payé par des encarts de publicité sur le site. Ce n'est pas la première fois, en tout cas, que la publicité entend s'emparer d'un secteur non marchand comme l'humanitaire, le social, les services publics ou tout autre partie de notre vie quotidienne (boîtes aux lettres, paysages...). Pour autant, peut-on se plaindre de ce financement inattendu des œuvres humanitaires ?
La ficelle publicitaire est un peu grosse : ça me rappelle telle marque de voitures qui s'engageait à planter un arbre pour chaque voiture achetée... On donne bonne conscience à l'acheteur de bagnole alors que sa consommation annuelle d'essence produira dix fois plus de CO2 que le pauvre petit
"narbre" ne pourra en fixer, et on coupera d'autres arbres ailleurs pour faire passer (ou élargir) la route qui accueillera la nouvelle voiture. Ici, on vous donne bonne conscience en échange du matraquage des "gentils sponsors" du site.
Bien sûr, je ne suis pas contre la mobilisation des entreprises contre la faim dans le monde... ni contre le droit des entreprises à communiquer. Pourquoi ne pas permettre de faire les deux en même temps ? Les entreprises qui subventionnent le site en question ont l'air plutôt honorables : des fleurs, des productions graphiques, des produits de l'artisanat brésilien, pourquoi pas ?
Il y a aussi un sponsor médical : un médicament contre les aigreurs d'estomac... très utile quand on est en train de mourir de faim ?
Trêve de plaisanteries. Je ne cherche pas à descendre en flèche l'idée qui est à mon avis intéressante (d'ailleurs, je vous transmets le nom du site - allez donc y faire un tour) mais il faut prendre des pincettes avec ce genre d'initiative. Qui me dit que demain le sponsor du bol de riz ne sera pas Merdonalds ou CacaColé ? Voire Rugieri (soupçonné de fabriquer des mines antipersonnel) ou Dassault aviation ? Il faudrait au moins que les organisateurs du site énoncent des conditions d'accès au partenariat mais ça, ce n'est pas très américain.
Au contraire, à la page "www.thehungersite.com/sponsoring.html", on trouve une liste de bonnes raisons pour devenir sponsor du site : elles sont loin d'être philanthropiques. On y apprend que le coût de l'apparition du message est ici 7 fois moins cher que dans d'autres sites et que les visiteurs visitent les sponsor jusqu'à 10 fois plus que la moyenne des autres sites... Plus l'image ultra positive qu'ils garderont de votre compagnie qui donne tant d'elle même pour combattre la faim dans le monde.
Autre chose de troublant : on ne trouve nulle part sur ce site une description de son auteur. On apprend qu'il meurt quelqu'un d'inanition toute les 3 à 4 secondes dans le monde mais pas moyen de savoir qui nous dit cela. L'argent est paraît-il versé au programme des nations unies contre la faim, mais le site lui-même, qui le régit et qui le paye ? Est-ce une association ? Est-ce le programme des nations unies (on ne dirait pas)? Est-ce une personne, une entreprise ? Monsanto ? Rhône Poulenc ? Quelle proportion de l'argent versé par les sponsors est réellement versée pour la cause ? Comme souvent, on cherche à nous faire croire qu'elle est nulle.
Si vous partagez avec moi l'idée qu'un minimum de transparence serait souhaitable et qu'une charte pour le choix des sponsors devrait exister sur un site de cette nature, vous pouvez envoyer votre remarque (en anglais, comme le site) à l'adresse suivante :
comments at thehungersite.com
ou directement à l'adresse réservée aux contacts commerciaux :
sponsor at thehungersite.com
Enfin, pour "offrir" un bol de riz allez simplement à la page
3) CASSEUR DE PUB et la journée mondiale sans achats
Le magasine anglophone canadien "adbusters", réalisé par la "media
foundation" de Vancouveur au Canada est un monument de la lutte
antipublicitaire. On y trouve notamment des détournements publicitaires particulièrement virulents qui démystifient d'un coup d'œil le message manipulateur de diverses publicités de grandes marques. On lutte ici contre la publicité en usant de ses propres armes ; manière aussi de rappeler que la création graphique n'est pas l'apanage des seuls publicitaires !
A l'occasion de la journée mondiale sans achat (voir ci-dessous), un ami de RAP lance l'équivalent français : "casseur de pub" (c'est ce que veut dire "adbusters"). L'idée est de réaliser un magasine de belle qualité (papier glacé, quadrichromie...) présentant un travail de création graphique originale et de qualité irréprochable qui soit à même de plaire au plus large public. L'amusement procuré par le détournement et l'invention de fausses publicités est certainement une approche très complémentaire à celle de R.A.P. qui s'adresse plutôt à des intellectuels et militants (et de manière un peu austère?).
Le projet est porté par une association dénommée CCCP 'comité des créatifs contre la publicité). Le magasine sortira en kiosque vers le 20 novembre.
La journée mondiale sans achats (Buy nothing day)
A l'appel de la "fondation pour les médias" (Media Foundation), du Canada, des associations et militants se mobilisent tout autour du monde depuis plusieurs années pour fêter la "journée mondiale sans achats", manifestation symbolique contre les travers de la société de consommation qui fustige notamment la publicité.
Cette année, pour la première fois, R.A.P. se joindra à cette journée en organisant une action conviviale et militante dans la rue. Retenez dès à présent la date des 26 et 27 novembre 1999 : plus de détails dans le prochain envoi électronique.
R.A.P. vient de recevoir le feu vert de la direction du travail pour l'embauche
d'un permanent au titre des emplois jeunes. Reste la signature de la convention
avec l'état (une formalité) et l'embauche elle-même (beaucoup
plus délicate, bien sûr). Nous espérons que le futur permanent
sera à pied d'œuvre dès le mois de décembre. Faites savoir
que nous recrutons et n'hésitez pas à postuler vous même,
si vous êtes concerné par le dispositif et souhaitez travailler
pour R.A.P. (un plein temps, payé au SMIC pour commencer).
(note au 25 janvier 2000 : Les inscriptions sont closes depuis le 24 janvier 2000 ; cependant, nous envisageons de procéder à un second recrutement dans quelques mois, pour travailler cette fois sur la question particulière de l'affichage publicitaire).
Lundi 25 octobre, RAP a déposé au palais Bourbon 577 exemplaires de sa lettre aux députés au sujet des boîtes aux lettres. Nous soutenons ainsi l'initiative de l'association AMORCE (association de collectivités locales chargées de la gestion des déchets) qui demande que le coût du traitement des déchets que deviennent les prospectus (50F par foyer et par an) soit imputé aux publicitaires. Nous appuyons également la demande qu'on donne un statut officiel et une large diffusion à l'autocollant boîte aux lettres. Chaque député a ainsi reçu un exemplaire de notre autocollant.
Affichage :
Mercredi 20 octobre, RAP et Paysages de France on rencontré à nouveau M. Hélary, conseiller du cabinet de Madame Voynet au ministère de l'Environnement. Les deux associations ont demandé que soit affichée publiquement la volonté du ministère de faire cesser le scandale de l'affichage publicitaire en France. M. Hélary s'est engagé à demander des explications au préfet de l'Isère concernant un dispositif publicitaire de 30 mètres de haut. Le ministère travaille à la définition d'un programme sur le sujet de l'affichage. Lorsque celui-ci sera bouclé, une conférence de presse de Mme Voynet avec présence de nos associations sera organisée.