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RAP-À-TOILE N° 38 - ( JUILLET 2003 )

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Au sommaire de ce trente huitième envoi

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0 - Introduction
1 - DÉBUT DE VICTOIRE (ballons publicitaires).
2 - PÉTITION : NON AUX PUBS INTEMPESTIVES SUR CITEGAY.
3 - À L'ÉCOLE L'ENTREPRISE FAIT SON MARCHÉ.
4 - CORN'NEXION : Cadeau d'été, une nouvelle pastorale.
5 - COUNA ou IENA.
6 - MÉFAITS PUBLICITAIRES : Le « marketing » olfactif.


R.A.P. a pour vocation de faire connaître les diverses approches de la lutte antipublicitaire sans pour autant adhérer à toutes les opinions et idées d'actions formulées, dont elle laisse la responsabilité à leurs auteurs.

Introduction :

Bonjour à tous,

En août, la France vit au ralentit et R.A.P. ne fait pas exception à la règle. Ainsi, il n'y aura ni permanence, ni réunion mensuelle, ni R.A.P.-à-Toile durant ce mois estival, mais, rassurez-vous, quelques adhérents juilletistes se dévoueront pour venir relever les messages et le courrier de temps en temps. Donc, en cas d'urgence, vous pouvez toujours laisser un message sur notre répondeur téléphonique. Pour le reste, il vous faudra attendre la rentrée de septembre.

En attendant, je vous souhaite de bonnes vacances et une bonne lecture.

Nelly.


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1) DÉBUT DE VICTOIRE : Après plusieurs réclamations, une crèche municipale de Marseille renonce à utiliser des ballons publicitaires - par Estelle Alquier.

NDLR : Vous vous souvenez sans doute de cette maman qui ne pouvait se résoudre à voir la crèche de son fils envahie de ballons publicitaires à chaque anniversaire des enfants présents dans cet établissement (cf. R.A.P.-à-Toile N° 37, §1). Voici ci-dessous le dernier message qu'elle nous a fait parvenir.

Mes revendications au sein de la crèche ont suscité ces derniers jours un certain émoi : je viens de recevoir une lettre de la direction de la petite enfance de la ville de Marseille me sommant à l'avenir d'exprimer mes soucis par courrier adressé à elle-même et non d'importuner la directrice ; la directrice m'a proposé de muter Léo dans une autre crèche (j'ai bien sûr refusé). Et, il y a 15 jours, la coordinatrice des crèches de la ville m'attendait de pied ferme pour m'indiquer que je devais respecter les règles de la collectivité et que j'étais de toute façon la seule à me plaindre... Je ne vous cache pas mon plaisir à voir tout ce petit monde sens dessus dessous.
Et la cerise sur le gâteau : hier a eu lieu la kermesse : ils ont investi dans des ballons vierges! Je ne crie pas victoire pour autant car ce geste est plus suscité par la crainte d'une action spontanée de ma part que par une réelle prise de conscience. Je reste donc vigilante.

Estelle ALQUIER

 

2) PÉTITION : NON AUX PUBS INTEMPESTIVES SUR CITEGAY : Un abonné à une causette payante par internet se révolte contre les publicités présentes sur ce site. Pour le faire savoir, il vient de mettre au point une pétition - par J.G.

NDLR : Nous avons reproduit ci-dessous le texte de la pétition lancée par J.G. pour résister à l'envahissement d'un procédé publicitaire sur un forum de discussion payant par internet. Plusieurs termes, propres au langage de la Toile, n'étant compréhensibles qu'aux initiés, nous avons apportés quelques transformations (en majuscules dans le texte) à cette pétition pour une plus grande clarté.

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Nous avons constaté, depuis quelque temps, quelques problèmes sur le dialogue en direct (LA CAUSETTE) (surnommé « chat » dans ce texte) de Citegay.com. Tout a commencé par une augmentation du prix de l'abonnement. Nous comprenons, certes, que l'augmentation du prix de l'abonnement puisse être nécessaire (l'abonnement de 6 mois est passé de 15 à 21 euros). Seulement, depuis cette augmentation, Citegay a aussi décidé de nous inonder de messages publicitaires.

Ils ont d'abord commencé par dire qu'il n'y avait aucun pop-up publicitaire (MESSAGE PUBLICITAIRE QUI SE SUPERPOSE À LA PAGE QUE L'ON CHARGE) sur le « chat » et même à en faire un argument pour attirer de nouveaux utilisateurs. Les responsables ont mis en avant l'argument "aucun pop-up publicitaire" sur le « chat », or il s'est avéré qu'ils ont tout simplement mis des pop-up dans les pages internet des comptes photos des utilisateurs, ces pages de photos ne faisant pas partie du « chat » à proprement parler.

Ensuite nous avons eu les pop-under (MESSAGES PUBLICITAIRES SE CHARGEANT AUTOMATIQUEMENT À CHAQUE OUVERTURE DE PAGE ET QUI SE PLACE SOUS LA PAGE QUE NOUS LISONS), et cette fois-ci sur le « chat » lui-même (rappelez-vous les pubs pour un casino, vous faisant croire que vous alliez être riche en moins de deux), qui s'affichaient quand il n'y avait aucun message et qui allaient se cacher derrière toutes les fenêtres de manière à rester jusqu'au moment de quitter votre navigateur.
À nos demandes d'explications, ils (ndlr : le site en question) ont répondu qu'il ne s'agissait pas de pop-up mais de pop-under. Mauvaise foi flagrante ! (Le pop-under c'est encore pire que le pop-up!)

Autre pratique à la limite du raisonnable, vous connaissez tous (vous en avez au moins entendu parler) DialhSex et DialhXtrem, vous pensiez peut-être qu'il s'agit ici de deux « chat » distincts ? Comme de nombreux utilisateurs vous vous êtes fait avoir, l'un et l'autre ne font qu'un et ce n'est qu'une fois que vous avez payé l'accès que vous vous rendez compte que DialhSex et DialhXtrem comportent exactement les mêmes utilisateurs. Avant de payer, on peut croire qu'il y a plus de 1 000 utilisateurs sur l'un et plus de 1 000 aussi sur l'autre, mais ce sont en fait les mêmes. De qui se moque-t-on ici ?

Nombreux ont été les clients censurés parce qu'ils exprimaient leur mécontentement. Citegay a donc décidé de ne plus prendre en compte les remarques de ses clients.
Trouvez-vous cela normal ? Plus de service relations clients
Trouvez-vous cela normal ? Auraient-ils quelque chose à se reprocher ?

Le but de cette pétition est de faire comprendre à Citegay que nous, leurs clients, existons, que nous avons le droit d'être écoutés et respectés. Citegay doit arrêter ses abus.

Chatteurs (UTILISATEURS D'UNE CAUSETTE), Citegay se moque de vous. Sans vous, Citegay n'est rien. Afin d'améliorer le fonctionnement de ce chat et faire valoir vos droits de consommateur, signez la pétition !

Vous n'utilisez pas Citegay mais vous souhaitez nous soutenir dans notre action contre les abus commerciaux, vous pouvez aussi signer la pétition.


J.G. lapubstop at noos.fr

Pour signer la pétition : http://mapage.noos.fr/lapubstop/


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3) À L'ÉCOLE L'ENTREPRISE FAIT SON MARCHÉ : Une nouvelle école est en train d'être créée selon le désir des entreprises - par Yann Fievet.

(Article initialement paru dans « Le Peuple breton »)

Les tendances lourdes de l'évolution historique des sociétés et de leur économie ne sont pas aisément déchiffrables. Les agents responsables des avatars de l'évolution ont souvent intérêt à en dissimuler les véritables enjeux. Ils disposent à cet effet d'une double complicité plus ou moins objective : celle des médias de masse acquis majoritairement aux intérêts du pouvoir en place ; celle d'une opinion publique peu informée sur les dessous des changements profonds d'un monde devenu plus complexe. La question de l'École et de ses enjeux illustre parfaitement aujourd'hui la difficulté à appréhender (et surtout à faire percevoir aux citoyens) les desseins véritables de l'autorité publique et des oligarchies privées qu'elle protège et renforce par ses décisions.
Ce qui arrive à l'École est très clair à énoncer et fort difficile à faire admettre. Dans un monde où le marché néolibéral étend sans cesse son emprise sur des domaines d'activité lui étant jusqu'alors étrangers, où la volonté de puissance des firmes transnationales semble infinie, l'École est devenue un enjeu de profit. Depuis une quinzaine d'années maintenant, les grands patrons ont trouvé auprès des hommes politiques des oreilles attentives quand ce n'est pas une parfaite identité de vue en ce qui concerne l'avenir des systèmes éducatifs européens. Partout, ces hommes politiques, sous des prétextes divers (meilleure efficacité dans la gestion, nécessité de préparer sérieusement les jeunes aux réalités de l'emploi, rapprochement de l'École du terrain ou du citoyen, etc.), on met en place les conditions d'un basculement de l'École dans une logique pour laquelle elle n'a pas été fondée.
L'École, lieu où est dispensé le savoir nécessaire à la compréhension du Monde et de l'Autre, va devenir un lieu où on acquiert des compétences utiles aux entreprises maîtresses des destinées d'un salariat prétendument épanoui. L'une des chevilles ouvrières de ce basculement est sans conteste Mme Édith Cresson qui fut à son heure commissaire européen chargée de l'éducation. Elle fut un pont efficace dans la propagation de la nouvelle définition de l'École entre la table ronde des industriels européens où siègent les patrons des principales firmes transnationales d'Europe et la Commission de Bruxelles. Pour cette dernière (et ceci est lisible dans les rapports qu'elle publie depuis des années), l'École ne doit plus enseigner des savoirs mais délivrer des compétences. Le credo universaliste et humaniste de l'École cède la place à la praxis utilitariste et individualiste de « formations professionnalisantes » - comme ils disent - au service de l'entreprise érigée en valeur suprême. Il faudra bientôt renoncer au mot « école » dont l'étymologie ne saurait convenir à ce nouvel ordre des choses. En 1870, Jules Verne inventa, dans « Paris au XXe siècle », le Crédit instructionnel où l'on n'enseigne plus ni la philosophie ni le latin ou le grec, disciplines devenues inutiles, mais des matières techniques utiles. Il s'agit là de l'un des aspects de la barbarie douce dont nous parle Jean-Pierre Le Goff. Il s'agit aussi, comme le soutient Christian Laval (1), d’un changement de civilisation par lequel on cesse de considérer l'enfant comme un homme en devenir pour le traiter en futur consommateur-travailleur.
Les professeurs et leur métier ont-ils quelque chose à voir et à faire avec un tel dévoiement des missions originelles de l'École ? Certes, non ! Ils ont du reste et d'ores et déjà de moins en moins voix au chapitre. En Grande-Bretagne, les chefs d'établissements scolaires sont de plus en plus souvent placés sous la tutelle d'un « spécialiste de la gestion » réputé plus compétent pour veiller aux équilibres budgétaires. En France, dans des académies dites « pilotes », le conseil d'administration de certains établissements n'est plus présidé par le proviseur mais par une personne extérieure, et les membres du personnel de ces établissements ne sont plus majoritaires au sein dudit conseil. Aux États-Unis, 1,7 million d'« élèves » du primaire et du secondaire réunis ne mettent plus les pieds à l'école. Ils sont dans le « home schooling » et sont formés, sur internet à domicile, par les firmes de l'« education business ». Partout fleurissent les mallettes pédagogiques offertes par les grandes entreprises aux professeurs ; les logos et marques y sont évidemment bien visibles. De même qu'ils sont de plus en plus présents dans les manuels scolaires sous le prétexte qu'ils font partie de notre vie. Dans le Morvan, les élèves prennent à l'école des petits déjeuners offerts par Nestlé. Il n'est dans tout cela aucunement question de soutenir la pédagogie des anciens maîtres de l'École, les professeurs, mais de soutenir, activement ou passivement, le commerce de ces nouveaux maîtres (2) que sont les entreprises.
Mais il y a plus grave. Si l'entreprise veut, directement ou indirectement, mettre la main sur l'École, ce n'est pas uniquement pour y capter de futurs clients mais pour l'adapter aux caractéristiques de l'emploi telles qu'elles sont aujourd'hui et telles qu'elles seront demain et non telles qu'elles nous sont présentées par un discours politico-patronal lénifiant. Contrairement à ce qui est prétendu, le niveau moyen de qualification des emplois ne s'élève pas. La proportion des emplois peu ou pas qualifiés croît avec la mise en oeuvre de l'automatisation du travail et le développement des services de proximité. Aux États-Unis, d'ici à 2008, il sera créé 250 000 emplois de remplisseurs de distributeurs automatiques de boissons et de pizzas, et 56 % du total des emplois créés concerneront des postes ne nécessitant pas plus de 48 heures de formation initiale dans l'entreprise (3). L’Europe est-elle si loin de ce modèle ? La massification de l'École (que certains démagogues préfèrent pudiquement nommer démocratisation) entamée après Mai 1968 maintient à l'école longtemps une proportion croissante des jeunes alors même que les débouchés en termes d'emplois qualifiés ne suivent pas, au contraire le fossé se creuse. La réponse à ce problème dramatique passe, pour les entreprises, par un changement du contenu des formations. Les rapports de la Commission de Bruxelles sont édifiants à cet égard : face au défi technologique, les systèmes éducatifs doivent faire de « l'alphabétisation numérique » une priorité. Il faut donc deux écoles : l'une où seront formées les élites et où le savoir aura encore sa place, l'autre où l'on fera acquérir aux futurs soutiers de l'économie marchande les rudiments nécessaires au bon maniement des machines automatisées.
Et si nous relisions Orwell et Huxley avant qu'il ne soit trop tard ?

Yann FIEVET

1 – Christian Laval, « L'École n'est pas une entreprise », La découverte, 2002.
2 – Nico Hirtt, « Les Nouveaux Maîtres de l'École », EPO, nouvelle édition 2003.
3 – Chiffres cités par Nico Hirtt lors d'une conférence à Paris le 21 mai 2003.


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4) CORN'NEXION : Cadeau d'été, une nouvelle pastorale - par François Brune.

En ces temps-là, Plume partit de bon matin cueillir des mûres au fond d'un pré, à la lisière de la forêt. La clôture était envahie de mûriers qui, prenant racine dans l'ombre des bois, offraient leurs fruits au soleil des champs.
Dans ce lieu enchanteur, Plume cueillait sans souci lorsque, tout à coup, il eut l'impression d'un silence étrange derrière lui.
Il hésita d'abord, puis se retourna lentement, et c'est alors - ô stupeur ! - qu'il vit... Mais que vit-il ?
Simplement, tranquillement, une trentaine de vaches de tous âges s'étaient rassemblées derrière lui, à quelque vingt pas. On eût dit une rangée de critiques dramatiques lors de la création d'une oeuvre post-moderne. Elles le regardaient, mâchant leur herbe extatique, le regard lourd et la corne attentive. Tout se passait comme si, d'abord éparses dans le pré, elles s'étaient donné le mot pour assister à la cueillette de Plume.
Oui, silencieusement, télépathiquement, elles s'étaient donné le mot par de mystérieuses connexions dont le secret résidait à l'évidence dans leurs cornes, antennes propices, on l'imagine, à toutes sortes de phénomènes d'émission-réception.

Le trouble de Plume fut réel. Non qu'il fût stupéfait devant ce type d'attroupement maintes fois observé, et somme toute banal. Mais c'était bien la première fois qu'il en était le motif, l'objet, le centre. Il eut beau jeter les yeux autour de lui à la recherche d'une autre cause, au fond des bois ou dans les hauteurs de l'air : c'était bien lui, et lui seul, qui se trouvait au coeur de l'actualité. Si parfaite que fût son immobilité, il était l'éternel train qui passe dans le regard des vaches. Il était l'événement.

Il respira profondément, pour ventiler son émotion. Il prenait la mesure, non sans fierté, de son étrange fonction de rassembleur du peuple. Quelle soudaine importance que la sienne, devant ce troupeau fasciné ! « L'événement, se dit-il ingénument, c'est ce qui constitue les citoyens en public. »
Il sourit largement à la communauté qui continuait de le contempler en silence. Il résista à la tentation de remercier la foule pour ne pas rompre le charme, attendit, sourit encore. Et enfin, désireux d'éprouver plus concrètement cette sympathie animale qui semblait venir jusqu'à lui par vagues invisibles, il fit un pas en avant vers ses admiratrices.
Ce fut hélas ! un pas de trop.
Aussitôt, la troupe se dispersa. Les cornes, jusque-là tendues vers le ciel en un assez bel ensemble, oscillèrent, se brouillèrent en tous sens, comme les hallebardes d'une armée en déroute. Puis, après quelques courses désordonnées, elles se remirent à brouter par petits groupes, aux quatre coins de la pâture, étrangement indifférentes au jeune homme et à ses subtiles méditations.
Devant Plume, il ne resta bientôt plus qu'une vache, plus courageuse ou plus curieuse que les autres, une vache pionnière, ou non conforme, qui s'obstinait à le toiser.
À coup sûr, elle devait se poser des questions sur l'identité de Plume, comme lui-même s'interrogeait sur la nature de l'intelligence bovine. Mais voilà : une vache, ce n'était plus qu'une vache ! Dans son seul regard, scrutateur, peut-être sceptique, Plume douta soudain d'exister encore. Ombre de lui-même, simple humain de passage, lui qui venait de se prendre pour un fait majeur n'était plus qu'un sujet méconnu dans la forêt des événements. Quand bien même la vache témoin eût beuglé son nom sur toutes les antennes, à destination de tous les journaux, cela n'eût point suffi : faute de spectateurs en nombre, il était retourné à son inanité première.
« Le public, se dit-il candidement, c'est ce qui constitue le fait en événement. »
Se demandant dès lors si le réel existait hors de la conscience collective, Plume revint à ses mûres premières, tenta de se persuader qu'elles n'étaient pas virtuelles en en savourant quelques-unes, puis se replongea dans l'apaisement profond de la cueillette intemporelle.
·
Cependant, le satellite espion n'avait rien perdu de la scène. Des microphones invisibles avaient enregistré tout ce que s'étaient communiqué les vaches par cornes interposées. Des minicaméras, insérées dans les piquets de la clôture, avaient filmé sous tous les angles les attitudes individuelles et collectives qui avaient accompagné l'événement, tandis que des enregistreurs mandibulaires captaient les moindres variations de mastication des ruminants. Les analyseurs d'ondes greffés dans leurs oreilles avaient permis d'observer en temps réel de subtiles ruptures d'encéphalogramme plat qui trahissaient la violence des émotions. Les capteurs gastriques (avec jauge immédiate du suc jaillissant), les détecteurs de production sudoripare, les mesureurs de pousse du poil, les sondeurs d'acuité visuelle, les compteurs métronomiques d'agitation de la queue, les mensurateurs de piétinements de l'herbe (indices incontestables de la nervosité transmise par les sabots), les indicateurs de variation de pression du pis en fonction de l'activité fantasmatique du sujet, les analyseurs olfactifs chargés de numériser sur-le-champ le diagramme du bouquet des haleines comparé aux fragrances de la bouse, et de multiples autres appareils interconnectés par la grâce d'une technologie hyperinnovant, avaient permis aux experts de diagnostiquer dans l'heure tous les effets induits par le phénomène qu'ils désignaient du terme « Train qui passe dans le regard des vaches ».
Ils en tirèrent aussitôt trois constats riches d'enseignement :
1/ Chaque fois que le public bovin contemplait un fait nouveau - en l'occurrence, la cueillette de Plume -, il n'en mâchait que mieux : chose fort encourageante en termes d'efficacité productive.
2/ Tout événement susceptible de capter durablement son regard l'empêchait d'observer de trop près la nature des aliments qu'il consommait : chose éminemment pratique en termes de paix économique et sociale.
3/ Par rapport aux traditionnels spots de « trains qui passent », qu'on projetait en continu dans les étables modernes pour stimuler les bovins, le film « Plume cueillant des mûres » apparaissait comme un nouveau concept révélant un nouveau besoin : chose formidablement prometteuse en termes de communication.
Ces données objectives furent soumises à l'appréciation d'un sémiologue post-moderne, François Brune, qui y vit selon son habitude l'éclatante confirmation de ce qu'il avait toujours pensé : « L'excès de trains qui passent, avec les connotations de productivisme industriel qui leur sont liées, ne pouvait que déboucher sur une saturation préjudiciable à la qualité du produit. Il faut redonner toute sa place à la rêverie bucolique, si nécessaire à la fécondité bovine. Et pour cela, que pouvait-on inventer de préférable au spectacle de l'éternelle cueillette ? Les choses sont entendues maintenant : la productivité sera écologique, ou elle ne sera pas ! »

C'est depuis ce temps-là que, dans toutes les étables-usines où croissent les bovins, entre les films de trains qui passent pour divertir les bêtes, on donne à contempler des spots publicitaires où des jeunes gens extatiques, et de moins jeunes aussi, se plaisent à cueillir des mûres authentiques dans des prés naturels, revivifiant - pour le plus grand bonheur des sociétés bovines - les plus belles traditions issues des ères patriarcales.

François BRUNE

 

 

5) COUNA ou IENA : Le mot COUNA (courrier non adressé) ne correspondrait pas à ce qu'il représente, c'est-à-dire la publicité déversée dans nos boîtes aux lettres - par Jean-Marie Gläntzlen.

On s'interroge rarement dans le microcosme rudérique (ou petit monde du déchet) non seulement sur la charge affective négative consciente ou inconsciente des mots, mais encore sur la pertinence graphique, académique, logique surtout, ou autre encore, de certains plus ou moins vieux néologismes; quand il ne s'agit pas sous un vocable français du sens sensiblement différent, voire carrément illogique, donné au même vocable par nos chers envahisseurs "anglo-américains".

Alors qu'aucune autorité n'existe, à tort ou à raison, devant laquelle il serait légal de déposer un néologisme du langage rudérique. Ce qui m'a dispensé de déposer "recyclerie" (créé en 1990) qui commence aussi à faire florès en 2003, accompagné ou non de son cousin canadien « ressourcerie » qui ne veut pas dire la même chose, c'est-à-dire un lieu où des « déchets » encombrants recyclables sont restaurés avant vente.

C'est ainsi que, de plus en plus, on (re)parle beaucoup de "COUNA " qui serait une étrange version syncopée de "courrier non adressé" pour désigner (suite à l'influence et à l'antériorité d'usage de la Poste, on suppose) tout ce que le facteur met dans la boîte aux lettres et qui ne comporte pas d'adresse, et, par extension, toutes les publicités et autres journaux gratuits dont on laisse plus ou moins volontairement remplir notre boîte aux lettres.

Et pourtant, ne dit-on pas souvent "Pas de courrier aujourd'hui; rien que des pubs" ? Alors que, si on peut encore appeler "courrier" ces espèces de lettres pseudo-personnelles de promotion ou de relance aux formulations débiles, qui d'entre nous appelle « courrier » un (journal) gratuit ?

Je propose plutôt, avant qu'il ne soit trop tard, les IENA pour « informations écrites non adressées ». Mais, si vous préférez plutôt le très évocateur "zigbub" ou "pastok" (autrement dit n'importe quoi d'illogique), ça peut s'expliquer. Ne vit-on pas dans une société qui appelle « noble art » se taper sur la gueule avec de gros gants devant des hystériques de tous sexes ou qui persiste à parler de Paris-Roubaix pour une imbécillité dite sportive où la pub passe avant tout, même la dope, qui commence à Compiègne depuis de nombreuses années ?

Hélas, l'Histoire, quoiqu'elle soit une grande menteuse pleine de faux-semblants, a largement prouvé qu'à la multiplication des mots non pesés correspondra toujours de plus en plus de mots pesants.


Jean-Marie GLÄNTZLEN

 

6) MÉFAITS PUBLICITAIRES : Le « marketing » olfactif.

Un de nos sympathisants a attiré notre attention sur un nouveau procédé publicitaire qui consiste à diffuser des parfums en association avec des publicités ; Il s'agit du « marketing olfactif ». Ce genre de démarche est déjà pratiquée dans des points de vente (l'exemple le plus tristement célèbre étant la fausse odeur de bon pain émanant de certaines boulangeries).

Une première expérience dans un lieu public a été menée par une marque de lessive à la Gare Saint-Lazare.

La technique pourrait aussi être appliquée aux spots de cinéma. À quand une action-cinéma bouchage de nez de R.A.P. ?


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INFORMATIONS DIVERSES

Toutes les informations que vous venez de lire sont publiques, nous vous invitons à les transmettre à toute personne susceptible d'être intéressée : faites circuler !.

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