La publicité, un outil devenu fléau

La publicité, un outil devenu fléau
Pourquoi et comment lutter contre elle*

 

I - Quelques idées générales

(A) - Ce n'est pas la publicité en tant que telle qui pose problème, mais l'agression publicitaire. Il faut bien avoir à l'esprit que dénoncer «la publicité » (y compris dans le présent exposé) constitue un abus de langage.
(B) - La publicité, qui devait n'être qu'un outil économique, est devenue le décor de nos vies quotidiennes.
(C) - À force d'être présente, la publicité pénètre jusqu'à notre vie intérieure qu'elle encombre de faux besoins et de fausses valeurs. On peut
même parler d'une véritable idéologie imposée, ou plutôt insinuée, par une authentique propagande.
(D) - Tous les défauts de la publicité peuvent être classés dans deux grandes catégories : violence et manipulation. Tout message ou procédé
publicitaire est plus ou moins violent, plus ou moins manipulateur. La publicité idéale serait celle qui ne serait ni violente ni manipulatrice. Il en est qui se rapprochent de cet idéal.
(E) - L'imagerie publicitaire, toute d'humour, de tendresse, de charme et de gaieté, sème le doute dans les esprits, instaure le soupçon généralisé, noie peu à peu l'ensemble de la population dans une indifférence inconsciente, source d'égoïsme. Elle sème la confusion et anesthésie les consciences. Censément lumineuse et instructive, elle constitue, en réalité, une forme d'obscurantisme.
(F) - Dans une civilisation productiviste, économiste, comme la nôtre, il ne faut pas attendre du pouvoir politique, quel qu'il soit (de droite ou
de gauche), qu'il réduise la place de la publicité. C'est de la population que doit venir la réaction, au sens profond du terme.
(G) - Le citoyen peut beaucoup en matière de lutte antipublicitaire, mais il risque aussi de gaspiller beaucoup de temps et d'énergie en s'attardant sur des fronts où la bataille est perdue d'avance.

II - Quelques fronts de lutte

(H) - La voie publique : l'affichage (ou publicité extérieure), tel qu'il est pratiqué, constitue l'agression majeure, dans la mesure où il
touche tout le monde. Si la lutte antipublicitaire devait se dérouler sur un seul front, ce serait celui-là.
(I) - Les boîtes aux lettres : une microagression, mais aussi lancinante qu'une nuée d'insectes.
(J) - Les établissements scolaires : les jeunes sont méthodiquement cernés par la publicité, au moyen d'un matériel pédagogique fourni par les
marques, d'affiches apposées à l'intérieur des établissements ; ils sont aussi accueillis à la sortie par d'autres jeunes que les industriels ont
gratuitement habillés de leur marque pour qu'ils aillent à leur tour contaminer les autres.
(K) - Le cinéma : la publicité a largement pris la place du court métrage qui, jusqu'aux années 1970, précédait le long métrage. Par ailleurs, la
publicité s'insinue aujourd'hui, presque systématiquement, à l'intérieur des films : les gens de cinéma (producteurs, réalisateurs, acteursŠ) touchent de grosses sommes pour glisser des marques dans le décor, voire dans la bouche des personnages (publicité clandestine).
(L) - La télévision : ce n'est pas un front de lutte, mais plutôt une très haute muraille de forteresse, lisse et inexpugnable, sur laquelle on ne
peut que glisser. La publicité n'est pas un parasite de la télévision, elle en est l'apothéose. L'outil télévision était prédestiné au matraquage et à la manipulation. La publicité, c'est ce que la télévision sait faire de mieux.

III - Action civique (ce que chacun peut faire)

(1) - Si le facteur s'obstine à déposer des prospectus chez vous malgré votre refus exprimé, redéposer ces prospectus dans les boîtes jaunes ou dans celles des bureaux de poste.
(2) - Ne jamais ouvrir un courrier publicitaire ; le renvoyer à l'expéditeur après avoir rayé votre nom et marqué « refusé » (ou « décédé »,
ou « NPAI ») sur l'enveloppe.
(3) - Si votre immeuble est protégé par un code d'accès que des distributeurs de prospectus violent régulièrement à l'aide d'un
passe-partout, arrêter l'un de ces distributeurs (en vous faisant éventuellement aider par des voisins), appeler la police et porter plainte
contre son employeur et lui pour violation de domicile (cf. jugement de la cour d'appel de Versailles du 7 mai 2002, disponible auprès des associations antipublicitaires).
(4) - Si votre journal préféré a l'habitude de piéger ses lecteurs en insérant les placards publicitaires au milieu des articles, écrire au
directeur pour lui demander de bien vouloir regrouper toute la publicité à la fin du journal, pour que les lecteurs qui en ont besoin puissent aller la consulter sans que les autres soient dérangés. S'il refuse ou ne répond pas, réfléchir pour savoir si la gêne occasionnée par ces pièges publicitaires est plus ou moins importante que le besoin que vous avez de l'information contenue dans le journal, et prendre une décision en conséquence.
(5) - Retourner les sacs en plastique que vous donnent les commerçants à la caisse.
(6) - Si un barbouillage collectif et non-violent d'affiches publicitaires est organisé dans votre région, y emmener votre famille, vos amis, vos
animaux, pour faire nombre aux yeux de la presse.
(7) - Si vous apprenez qu'un barbouilleur d'affiches non-violent passe en procès loin de chez vous, manifester votre solidarité en écrivant à la
presse, au gouvernement et à la justice que vous considérez son acte comme légitime.
(8) - Si vous êtes patient et « délateur » dans l'âme, faire tomber les panneaux publicitaires par la voie légale, grâce à la méthode « Paysages de France » (c'est amusant, voire passionnant, mais légèrement absorbant).
(9) - Pour les parents, acheter à vos enfants du matériel scolaire neutre, quitte à les inciter à le décorer suivant leur propre imagination (par exemple, recouvrir un classeur d'un dessin fait de leur main et le protéger par du plastique transparent).
(10) - Pour les professeurs, interdire aux élèves le matériel publicitaire (en prévenant le chef d'établissement avant l'été, pour qu'il prévienne à son tour les nouveaux parents d'élève).
(11) - Au cinéma, ne pas se sentir obligé de regarder la publicité avant le film (les paupières, ça permet de fermer les yeux, les vertèbres cervicales de baisser la tête, les doigts de se boucher les oreilles). Si une publicité clandestine survient dans le film, selon les circonstances, soit le faire remarquer à son voisin pour l'instruire, soit quitter la salle en protestant à haute voix.
(12) - Vérifier que l'on ne porte aucune marque (aussi petite soit-elle) à l'extérieur de ses vêtements, et se moquer (gentiment) des gens que l'on croise et qui n'ont pas pris la même précaution.
(13) - Utiliser les noms communs plutôt que les marques pour désigner les objets quotidiens : "stylo à bille" "ruban adhésif" "correcteur
(liquide)" "papillon (adhésif)" "cyclomoteur" "voiture" "prêt-à-manger" "soda".
(14) - Dresser la liste de ses besoins avant de faire ses courses, et s'y tenir.
(15) - Quand un marchand de cuisines ou de fenêtres vous dérange par téléphone pour vous vendre sa camelote (si ce n'était pas de la camelote, il n'aurait pas besoin de vous déranger), accepter le rendez-vous qu'il vous propose. Quand il sonne à votre porte au jour et à l'heure fixés, faire semblant de dormir. S'il vous rappelle plus tard, lui expliquer que vous êtes amnésique et que vous avez oublié le rendez-vous. Entretemps, vous n'avez plus besoin de sa cuisine, ce qui est votre droit.
(16) - Quand une société vous télécopie une publicité, lui télécopier en retour une feuille noire au milieu de laquelle figure, dans un rectangle
blanc pas plus grand qu'un timbre-poste, le gros mot de votre choix. Cette feuille noire contribuera à épuiser la réserve d'encre de ladite société.
(17) - Boycotter la télévision, cette « bouche d'aliénation » (comme on dit « bouche d'aération »), en méditant ceci : « On n'a pas la télévision,
elle vous a. »
(18) - Signer les pétitions diffusées par R.A.P. (« Non à la publicité au cinéma, oui au court métrage », « Pas de publicité dans ma boîte aux
lettres ») et Paysages de France (« On nous vole nos paysages ! »).

IV - Action politique (ce que les pouvoirs publics peuvent faire)

(19) - Obliger les distributeurs de prospectus à respecter les boîtes aux lettres des récalcitrants (comme en Allemagne, en Belgique, aux
Pays-Bas, au Portugal, en Suisse).
(20) - Prélever une taxe sur la fabrication de prospectus afin que le retraitement de ces déchets ne lèse pas le contribuable.
(21) - Inviter les associations antipublicitaires et de défense de l'environnement à participer, au même titre que les afficheurs, à la
rédaction d'une nouvelle loi réglementant les emplacements des panneaux.
(22) - Consacrer plus d'argent à l'instruction publique pour éviter que les industriels ne fourguent leur matériel « gratuit » dans les établissements scolaires au risque d'accentuer le caractère naturellement moutonnier des jeunes. En cas d'insuffisance budgétaire, s'abstenir, par exemple, de construire un énième sous-marin nucléaire.
(23) - Télévision : rien. Ce génial outil de gouvernement des âmes est trop précieux pour la classe politique dans son ensemble, laquelle ne fera rien pour en changer radicalement le fonctionnement.

V - Contacts

- Casseurs de pub : 11, pl. Croix-Pâquet, 69001 Lyon ; tph. 04 72 00 09 82 ; tcp. 04 77 21 52 96 ; site : http://www.casseursdepub.org
- La Meute : 163, rue de Charenton, 75012 Paris ; site : http://lameute.org.free.fr
- Paysages de France : MNEI, 5, pl. Bir-Hakeim, 38000 Grenoble ; tph./tcp. 04 76 03 23 75 ; site : http://paysagesdefrance.free.fr
- Le Publiphobe : 56 bis, rue Escudier, 92100 Boulogne-Billancourt ; tph. 01 46 03 59 92 ; tcp. 01 47 12 17 71.
Retrouver "Le publiphobe" sur le site de la BAP : http://bap.propagande.org/modules.php?name=Publiphobe
- Résistance à l'agression publicitaire (R.A.P.) : 53, rue Jean-Moulin, 94300 Vincennes ; tph. 01 43 28 39 21 ; tcp. 01 58 64 02 93.

*Les idées répertoriées dans le présent document n'émanent pas toutes des associations ci-dessus. Seul Yvan Gradis (voir adresse du Publiphobe) en assume l'entière responsabilité.

Mis à jour le 11 mars 2003