Omniprésente, débordante, envahissante… les qualificatifs
ne manquent pas pour évoquer le rôle de la publicité dans
la presse.
À la lecture de beaucoup de journaux et magazines, il est souvent difficile
de séparer le vrai du faux et l’information de la publicité, tellement
cette dernière est partie prenante des médias. Et quand ce ne
sont pas certains articles qui mettent en avant des produits, ce sont, à
l'inverse, les réclames (1) qui essaient de se faire passer pour des
articles !
Depuis plusieurs années, notre association souhaite engager une campagne
pour que les distinctions soient mieux établies entre texte et publicité
et pour tenir les lecteurs informés de la proportion de publicité
accordée par chaque titre. Revenons donc sur une collusion malsaine.
Ce sont les Lignes directrices sur la publicité qui régissent
les relations entre la presse et les publicitaires. Établies par la CPPAP
(Commission paritaire des publications et agences de presse) (2), elles laissent
une part énorme à la publicité puisque celle-ci est autorisée
jusqu'aux deux tiers de la surface d'une publication.
Quant à la teneur publicitaire ou non d'un article de la rédaction,
celui-ci est considéré comme promotionnel uniquement s'il fournit
un moyen de contacter le revendeur du produit, ou alors : « lorsque par
son contenu, un article a manifestement pour finalité de promouvoir un
produit ou un service, ou de favoriser une transaction commerciale, il doit
être en entier considéré comme de la publicité ».
Hélas, aucune obligation n'étant donnée de faire apparaître
distinctement le but promotionnel de l'article, il s’ensuit un flou total qui
ne permet pas aux lecteurs de s’y retrouver, ce dont profitent bien les publicitaires
(3).
De plus, les magazines gratuits tels que À nous Paris distribués
par la RATP, qui sont avant tout des catalogues pour consommateurs
en manque, pullulent sans jamais être clairement identifiés comme
publicitaires, même si certains d’entre eux sont uniquement financés
par la publicité.
Pour le quidam lecteur de presse, les liens étroits que celle-ci entretient
avec la publicité sautent aux yeux. La mise en page, intervention qui
ne laisse rien au hasard, est souvent réalisée pour mettre les
publicités en exergue. Par exemple, les pages « high-tech »
côtoient des publicités pour produits numériques et les
dossiers « enfants » sont saturés de publicités d’articles
de puériculture.
Quand, circonstance exceptionnelle, la rédaction d'un journal dévoile
son fonctionnement, nous comprenons mieux les priorités en usage : «
8h30. (...) la régie publicitaire vérifie une dernière
fois l’implantation des pubs dans les pages du journal daté du lendemain
(...). Puis la régie confirme à la rédaction la place disponible
pour les articles. Pour respecter le taux de couverture, le journal essaie de
ne pas sortir trop de pages sans pub. » (Le Figaro, 3
octobre 2005).
Certains penseront peut-être que cet exemple ne concerne que Le
Figaro mais l’impératif est identique dans toute la presse financée
par la publicité. Autres exemples : Libération
sort une édition aux couleurs d'un supermarché et la limite des
5% de revenus publicitaires que se fixe le Monde diplomatique
fait souvent polémique (4).
Evidemment, des solutions existent puisque des titres tels que Le
Canard enchaîné, Que
choisir, CQFD,
Le Plan B... vivent sans
avoir de rapport avec la pieuvre publicitaire. L'équilibre financier
ne dépend donc pas de cette manne comme le répètent la
plupart des rédactions, mais avant tout d'une volonté d'indépendance
et d'une autre idée de la société. ¦
1. J'emploie ici à dessein le mot « réclame » plutôt
que « publicité » car il a, paraît-il, le don d'énerver
nos amis publicitaires, leur rappelant sans doute un peu trop l’ingratitude
de leur métier. Qu’on se le dise !
2. La CPPAP est présidée par un membre du Conseil d'état
et composée pour moitié de représentants des ministères
concernés (Communication, Économie, Justice) et pour moitié
de représentants des entreprises de presse.
3. Rappelons les revendications de RAP concernant la publicité dans la
presse : 1° en couverture, affichage du pourcentage des pages consacrées
à la publicité ; 2° dans l’ours, mention du pourcentage de
financement provenant de la publicité ; 3° dans la mise en page,
signalisation des annonces par un cadre épais et la mention « publicité
» bien visible.
4. En 2002 Frédéric Maurin, membre de RAP, avait écrit
une lettre ouverte au Monde
Diplomatique où il s' « étonne de la place prise par
la publicité ». Elle est consultable sur le site Internet d'Acrimed.