Les publicités radiophoniques discréditent les
émissions les plus sérieuses.
Exemple d'un échange de messages électroniques
efficace.
-----Message d'origine-----
De : M.P.
Envoyé : vendredi 28 novembre 2003 19:36
À : liste de destinataires de la radio publique et de
l’entreprise concernée (CIC) + copie à R.A.P.
Objet : chérie j'ai cassé la radio
<< Fichier: radio[1].mp3>>
Il y a un petit condensé de ce que la " réclame
" peut produire qui passe en boucle ces derniers jours. Vous trouverez
cet échantillon significatif en pièce jointe, c'est un vrai
florilège.
D'abord l'attaque trépidante et la scène matinale
calibrée pour capter l'auditeur de la tranche 7h-9h. Puis le ton de
la donneuse de lecon, ce ton qui ne peut que vous assomer et vous tétaniser
à un moment où on est pas encore prêt pour y répondre.
D'une complaisance niaise imparable.
Arrive le personnage repoussoir, ne s'exprimant que dans les gargarismes.
Concu pour provoquer successivement l'identification, la culpabilisation,
puis le rejet : celui qu'il ne faut pas etre car il est le ridicule, le ringard.
la cible fabriquée pour rieurs bêlants.
Enfin la conclusion évidente " tu vas pas te noyer dans un verre
à dent quand meme ". Suivie du gingle dégoulinant de "
bonheur au quotidien ", le registre musical est aussi désarmant
d'autosatisfaction que les répliques.
Bravo messieurs Bernard Gassiat et Philippe Chastres, communicateurs
de CIC, bravo pour avoir exprimé cette quintessence de ce qu'on souhaiterait
ne jamais entendre et qu'on peine malheureusement à éviter,
meme sur les radios publiques censées ne passer que des spots d'utilité
publique.
Mais cette poussée de fausse modernitude roborative n'est
pas le caractère le plus remarquable de l'oeuvre, dans le genre on
a pu faire " mieux " ailleurs. Le contenu, le message implicite
s'y associent à la mise en scène facile pour en faire une arme
un peu plus particuliere.
On le sait la démocratie n'est pas en forme, mais parmi
ses maux la publicité est une de ses gangrènes les plus perverses
et les moins souvent diagnostiquées. Pour aider au diagnostic il faudrait
commencer par l'appeler par son vrai nom " propagande ". On avait
vécu les années 99-2000 sous un torrent d'incitation boursicotrice
boursouflée, et on pensait depuis les ardeurs calmées.
Voilà que ca revient par la fenêtre, avec la même rhétorique
inchangée, stigmatisant les prudents-peureux, les archaiques-immobiles,
encensant le risque et la bougitude, se voulant souple, jeune et intrépide
là où les rabats-joie devaient etre rigides, tristes, frileux
et passéistes.
De la propagande donc, en faveur d'un certain courant de pensée évoluant
surtout dans le registre économique et dont la persévérance
n'a d'égal que la réticence des populations.
De la propagande qui de surcroit, par le réglage fin des mécanismes
psychologiques, fait naitre une cinquième colonne munichoise dont les
premiers convertis rétorquent déjà l'argument téléphoné
: " et le droit d'informer ? la pub utilise le droit d'informer !".
On appelle ca le marketing viral paraît-il.
Quel est donc ce nouveau droit censitaire que les agenouillistes les plus
zélés proposent, qui ne se répartirait qu'en fonction
des moyens financiers ? 4150 euros le spot radio boursicotoire sur France-info,
8500 euros sur France-inter.
Voilà un droit d'informer bien singulier qui viendrait empiéter
sur le droit de s'informer, le rognant et s'étalant comme un chancre
sur les espaces médiatiques. Qu'on appelle au réalisme, soit,
mais réaliste ne veut pas dire gober n'importe quelle tartuferie.
Bref, peut-être vous offusquerez vous de la gêne
à vos précieuses boites à mails, mais je vous conseille
de vous repasser 3 fois tous les matins le spot joint, pendant 10 jours. Vous
réviserez peut-être votre définition de " gêne
".
J'accompagne donc ceux qui se bougent à cette heure pour
dénoncer ce qui, curieusement (?), n'est que parcimonieusement évoqué
dans les médias.
Réponse de Danielle Nizieux
Date : Mon, 1 Dec 2003 11:30:34 +0100
Mesdames, messieurs,
Avant même de vous répondre sur le fond, je voudrais seulement
signaler que le son qui vous est transmis n'est pas celui qui est diffusé
sur les antennes de Radio France ( France inter , France info)
En effet , nous sommes soumis à une réglementation très
stricte qui rend non acceptables sur nos antennes certaines expressions employées
..., ce qui nous permet de signaler ...l'erreur de notre interlocuteur.
Par ailleurs, je serais ravie que Monsieur M.P.
ait la bonté et/ou la politesse de s'identifier davantage ; votre avis
nous intéresse, comme celui de tous nos auditeurs , mais ne prévaut
pas sur l'avis de ceux qui ont un autre " ressenti " sur cette publicité
. J'aimerais vous mettre en contact, cher monsieur, avec les créatifs
de l'agence , initiateurs des messages incriminés ... qui ont aussi
une certaine idée de la création radiophonique.
Je suis à votre disposition .
Danielle Nizieux
Réponse de M.P.
Subject: Re: de la part de danielle nizieux, directrice de radio france publicité
Date: Mon, 1 Dec 2003 19:16:33 +0100
From: M.P.
To: danielle.nizieuxaradiofrance.com
CC: liste de destinataires de la radio publique + copie à R.A.P.
Bonsoir,
>> Avant même de vous répondre sur le
fond, je voudrais seulement signaler que
>> le son qui vous est transmis n'est pas celui qui est diffusé
sur les
>> antennes de Radio France ( France inter , France info)
>> En effet , nous sommes soumis à une réglementation
très stricte qui rend
>> non acceptables sur nos antennes certaines expressions employées
..., ce qui
>> nous permet de signaler ...l'erreur de notre interlocuteur.
Il semble tout de même au vu de la suite de votre réponse
que vous ayez identifié ce dont je parle.
Mais si effectivement erreur il y a, il faut l'éclaircir avant de discuter
plus avant. Je veux bien pouvoir juger de celle que j'ai commise si vous me
fournissez l'annonce "CIC" qui passe réellement.
Je ne maintiens pas en copie tous les autres destinataires dans
l'attente, je leur ferai un mea culpa, ou l'inverse, le cas échéant.
>> Par ailleurs, je serais ravie que monsieur M.P.
ait la bonté et /
>> ou la politesse de s'identifier davantage ; votre avis nous intéresse
,
Comme vous le montrez, je me suis identifié par mon nom
et mon prénom, en plus de mon adresse e-mail. Je suis un auditeur,
peut-être voulez-vous âge, sexe, profession ?
C'est vous qui avez choisi ce mode d'échange car la propagande qui
est diffusée ne permet que celui-ci, encore a-t-il fallu que je trouve
difficilement sur internet les coordonnées des responsables. Vous montrez
qu'au contraire il est très facile de répondre à l'opinion
que je propose, mais si ce mode de communication ne vous satisfait pas, je
vous propose le téléphone et vous remercie de me donner votre
numéro. J'avoue que je rechigne au courrier car une communication vers
toutes les personnes interpellées serait fort onéreuse, de plus
je ne suis pas si archaïque que ça.
>> comme celui de tous nos auditeurs , mais ne prévaut
pas sur l'avis de ceux
>> qui ont un autre " ressenti " sur cette publicité
. J'aimerais vous mettre
C'est bien possible que d'autres l'apprécient, mais comme
pour (malheureusement) beaucoup d'autres cas, cela ne m'interdit en aucun
cas d'exercer ma faculté de jugement. Et dans ce cas de propagande
manifeste d'exercer une sorte de droit de réponse. Je souligne que
si cela était dans mes moyens je n'hésiterais pas à contrer
la propagande incriminée à la même échelle de diffusion,
mais comme je l'ai déjà dénoncé j'en suis bien
incapable.
>> en contact, cher monsieur, avec les créatifs
de l'agence , initiateurs des
>> messages incriminés ... qui ont aussi une certaine idée
de la création
>> radiophonique.
Je n'ai certainement pas la même certaine idée,
et il me paraît assez utile que soit rappelé à ces initiateurs
que leurs messages font plus appel à la médiocrité qu'à
l'intelligence, messages qui sont la plupart du temps eux-mêmes médiocres.
Vous allez finir par me dire que je suis le seul à le penser, mais
cela voudrait dire que j'évolue dans un écosystème relationnel
autonome qui fait que toutes les personnes que je côtoie sont d?accord
avec moi, mais toutes les autres non. Pourquoi pas, mais croyez en ma bonne
foi.
Malgré tout je ne préjuge pas de la qualité
des personnes dont vous parlez, car il est bien possible que cet appel à
la grégarité soit conscient et qu'il soit parfois très
difficile de le dissocier de la publicité elle-même.
>> Je suis à votre disposition.
Je vous en remercie.
Salutations
M.P.
28 ans, sexe masculin, ingénieur.
auditeur attentif et la plupart du temps comblé par france inter, france
info, fip entre autres.
contempteur de moins en moins passif de la propagande déjà majoritaire
dans l'espace médiatique.
Message de M.P. :
Subject: Re_ de la part de danielle nizieux, directrice de radio
france publicité
Date: Wed, 3 Dec 2003 14:26:31 +0100
From: M.P.
To: liste de destinataires de la radio publique et de
l’entreprise concernée (CIC) + copie à R.A.P.
Bonjour,
Suite à ma réponse ci-dessous, Danielle Nizieux
a bien voulu s'entretenir par téléphone de ce sujet.
De cette discussion, il ressort qu'il est possible qu'il y ait
une très légère différence par rapport au son
proposé, mais ce qui m'est perceptible est identique. Mme Nizieux a
eu la gentillesse de me faire valoir ses arguments quant aux contraintes financières
et réglementaires, de me faire part de son exigence de manière
générale et de ses divergences d'appréciation.
Cependant je maintiens mes commentaires quant à la qualité
de l'annonce et son contenu orienté idéologiquement.
Pour conclure cet échange je souhaite qu'à l'avenir
la réclame proposée sur l'"espace réservé"
(et les autres) tirera l'audience vers le haut, à l'exemple des émissions
proposées par ailleurs, et non vers le bas. J'aimerais aussi que les
responsables prennent conscience de la filigrane politique et des prescriptions
idéologiques véhiculées par les messages de ce type.
Ceux-ci sont à grande diffusion et ne sont pas, contrairement aux contenus
éditoriaux, imputables à des personnes ni appréhendables
comme des points de vue. La publicité a de plus en plus d'espace et
modèle de plus en plus les cultures et la société, il
me semble donc que plus de prudence est nécessaire pour éviter
qu'elle ne fausse un peu plus la démocratie, de manière d'autant
plus efficace qu'on ne s'en rend pas compte.
M.P.
ps: je ne mets pas mon argent en bourse, le mot "enfant"
me laisse serein, j'ai vu que le monde bouge et rassurez-vous je ne vais pas
me noyer dans un verre à dent.