Déclaration de l’association Résistance à
l’Agression Publicitaire !
- 17 novembre 2004 - Texte lu par Yvan Gradis pour Résistance
à l’Agression Publicitaire.
Je représente l’association Résistance à l’agression publicitaire.
Mais, RAP n’étant ni une secte ni une Église, ce que je vais dire
ne correspondra pas forcément à ce que pense l’ensemble des membres
de l’association. Avec l’accord de RAP, je donnerai quelques positions personnelles
sur la question qui nous réunit aujourd’hui. Qu’il me soit permis d’aborder
le problème de la presse avec naïveté, mais la naïveté
n’est pas forcément le contraire du bon sens.
La presse. Il y a ce qui est évident : son rôle – faut-il dire
sa fonction première ? faut-il parler d’un effet pervers ? – de conditionnement
des foules. Et aussi son caractère souvent agressif et/ou manipulateur
: gros titres à la une des journaux, rythme saccadé de la logorrhée
des radios commerciales ; bombardement phonique de la télévision,
avec ses basses fréquences à vous tordre les boyaux ; affiches
obsédantes à la devanture des kiosques, etc.
Puis il y a ce qui n’est pas évident : son histoire. L’histoire de la
presse écrite se perd dans la nuit des temps. Ou, disons, remonte à
plusieurs siècles (voir Théophraste Renaudot…). Celle de la presse
audiovisuelle, elle, ne remonte pas dans la nuit des temps. La radio a un peu
plus de 100 ans (elle est née vers 1895), et la télévision,
élaborée dans les premières décennies du Xxe siècle,
n’est entrée dans les foyers qu’au lendemain de la Deuxième Guerre
mondiale, donc il n’y a guère plus d’une cinquantaine d’années.
Par conséquent, la plupart d’entre nous, ici présents, sont nés
au milieu de cet environnement médiatique dont il est question aujourd’hui.
Et, l’homme étant naturellement fasciné par toute nouvelle création,
par tout gadget, par tout jouet, le réflexe par lequel nos parents nous
ont initiés à la presse, nous ont familiarisés avec elle,
nous ont imposé ses volutes – exactement comme des parents tabagiques
exposent leurs enfants aux nuisances du tabagisme passif –, ce réflexe
de nos aînés, donc, a trouvé son prolongement logique –
psycho-logique – dans le réflexe par lequel nous nous sommes mis nous-mêmes
à consommer « de la » presse. Au point d’oublier, le plus
souvent, justement, que cette presse n’a rien de naturel. Elle n’est pas issue
du big-bang ! Elle est une création de l’homme, une institution. Elle
a été faite, ou elle s’est faite au fil du temps. Or, tout ce
qui a été fait (par l’homme) peut être défait… ou
refait, si vous préférez.
Ici intervient le rôle du client, du consommateur, du citoyen. Le citoyen
peut-il se réapproprier la presse d’une façon ou d’une autre ?
Je parle de la presse dite « grande », qu’il faudrait plutôt
appeler « massive » ou industrielle, et non de la presse militante
ou marginale. Dans une certaine mesure peut-être. Dans une certaine mesure
seulement. La télévision, pour m’en tenir à l’aspect le
plus catastrophique, le plus tragique, du problème, est devenue (à
moins qu’elle ne l’ait été dès ses débuts, sous
des dehors débonnaires) une forteresse imprenable aux très hautes
murailles lisses sur lesquelles on ne peut que glisser (il y a quinze ans, 200
000 signatures n’ont pas suffi à mettre un terme aux coupures publicitaires
au milieu des films). Or, quand on essaie de pousser un mur avec ses deux mains,
ce n’est pas le mur qui bouge, c’est le corps qui recule. Ce recul du corps
est l’image même de l’attitude que tout un chacun peut adopter délibérément.
Et cela porte un nom : le boycottage. Ou encore « se retirer du jeu »,
comme disait le philosophe René Macaire, disciple de Gandhi et l’un des
fondateurs de RAP. La presse peut se boycotter, comme tout autre produit marchand…
Coluche disait : « Si on n’achetait pas, ça ne se vendrait pas
! » Si l’on dédaignait massivement la radio et la télévision,
ou certaines d’entre elles, pensez-vous qu’elles continueraient longtemps de
parler dans le vide ?
Prendre du recul par rapport à la presse est à la portée
de tout le monde. Libre à chacun de devenir non-téléspectateur,
non-auditeur, non-lecteur de quotidiens. Je suis bien placé pour savoir
tout le bénéfice qu’on en retire. Si j’avais un appel à
lancer à titre personnel, ce serait celui-ci : n’oubliez jamais de vérifier,
plusieurs fois par jour, si votre consommation de presse correspond à
un réel BESOIN. Besoin. Le grand mot est lâché, ce mot qui
est la clé de voûte de la société de consommation,
comme de sa remise en question. Aussi importante que le « connais-toi
toi même » de Socrate ou le « Que sais-je ? » de Montaigne,
notre devise pourrait être : « En ai-je besoin ? »
Pour finir, et après cette « diatribe » radicale, voici
une double revendication concrète et modérée que l’association
RAP m’a chargé de porter sur cette place publique : d’une part, qu’une
loi oblige chaque journal à indiquer à la une le pourcentage occupé
par la publicité (comme le taux de nicotine sur les paquets de cigarettes
ou le degré d’alcool sur certaines boissons) ; d’autre part, que tout
message publicitaire, à l’intérieur d’un journal, soit entouré
par un épais filet noir qui indique clairement au lecteur qu’il s’agit
de publicité et non de rédactionnel.